Vue sur le Kinnaur Kailash
Je continue la découverte de la vallée en montant jusqu'à Chitkul, où il fait carrément très froid! 3500m donc... et cependant, cela en vaut la peine. La vue sur le Kinnaur Kailash, qui culmine autour des 6000m, est grandiose. La végétation se fait de plus en plus rare. Elle se résume maintenant à des buissons brunissant et des sapins, droits comme des i, plantés sur des flancs, pourtant bien escarpés. Ceux-ci me séparent des montagnes de l'Uttaranchal Pradesh. Il y aurait moyen de faire un trek mais je suis un peu tard dans la saison et pas équipée, puisque je n'avais pas spécialement prévu de venir en haute montagne...
L'air est ravigotant, le chai prend ici tout son sens mais enfin, dès que le soleil s'en va, il ne m'est plus possible de traîner dehors! Je n'aime décidément pas le froid. Je passe la soirée en compagnie d'israéliens, seuls touristes du coin. Ils se connaissent déjà et se sont retrouvés ici par hasard! Au chemin du bout du monde, pourtant... Cela me rappelle qu'il n'est pas si grand que cela notre monde, comme la suite des aventures vous le dira!
Le lendemain matin, je décide de redescendre en marchant sur Sangla. Alors que je m'apprête à partir, je vois de belles demoiselles, toutes de vert vêtues, passer non loin de moi. Elles ont de longues nattes noires dans le dos, m'0bservent et murmurent entres elles. Je finis par leur dire Bonjour, en leur demandant ce qu'elles font là. Ce sont 4 soeurs, venues d'un village situé dans la vallée de Sutlej, afin d'assister au mariage de leur frère. Je suis de suite invitée aux festivités.
Nous montons en ammont du village, je passe à côté de vieux temples en bois, aux fines sculptures murales. Nous atteignons enfin la maison où les épousailles ont eu lieu. Les festivités sont toutefois loin d'être finies, semblerait-il. Il y a une foule hétéroclite, comprenant également des cochons, chèvres et autres chiens, errant gaiement dans le coin, à la recherche de restes. Ils évitent habilement les cadavres de bouteilles, parfois encore dans la main d'un homme encore ivre, endormi. J'ai l'impression d'être dans un film. Il n'est que 8h30 du matin...
Le grand jardin fait office de cuisine, "salle à manger", SAS de récupération pour certains, aire de jeux pour d'autres, un lieu de rencontre quoi qu'il en soit. Une humeur bonne enfant règne, malgré les forts relents d'alcool qui filtrent. Le jardin est recouvert de drapeaux aux couleurs gaies, flottant au vent. Une épaisse fumée embaume l'air, donnant un charme certain à ce cadre déjà pittoresque. Il faut s'imaginer de vieilles maisons en bois, avec des toits en ferraille, arrondis en leur extrêmités. Les hauts pics blancs entourent le village et enfin la vallée s'étire au long, dans son aridité.
Le spectacle reste incessant. Commence alors le déjeuner, qui voit les épaves, femmes et invités divers se rassembler, s'asseyant par terre afin d'être servis. Un nombre incalculable de légumes, grains de riz, dhal et chapatis seront apprêtés durant les festivités. Pour ce faire, de gros chauderons fumant, bouent dans un coin, sur des âtres improvisés. Un groupe de femmes s'occupent de brasser le mélange épais, sorte de soupe aux pois chiches et de le servir sur des coupelles, faites de feuilles séchées. D'autres amènent les chapatis. Elles les portent, en longue empilade, sur une large assiette en aluminum. Certaines encore passent avec un grand récipient, servant du chai chaud à qui veut.
Je suis amenée à connaître la moitié de l'assemblée dès mon arrivée. Les soeurs m'entraìnant dans une miryade de pièces, me présentant tout un chacun et enfin le marié. Je reçois un collier fait d'amandes, qui s'avèrera être fort apprécié lors de ma marche ultérieure! Quelle aubaine!
Je ne vois pas l'épouse. Ici, c'est un peu différent, comme qui dirait. Alors que chez nous, ce jour, LE jour sensé être le plus important pour toute bonne femme, adepte des contes de fées qui se respecte, nous ne faisons que nous montrer, nous sommes la reine de la journée. Ici, les nouvelles mariées passent inaperçues ou presque, du moins lors des moments en public. On voit le mari sous toutes les coutures, souvent arborant un beau cheval blanc (et je ne plaisante pas...). Il conduit un cortège d'hommes, animés par un orchestre souvent délirant, une fanfare à voir. Les musiciens portent des costumes qui me rappellent ceux du cirque. Les épaulettes sont larges, amidonnées, un brin tombantes. Les pantalons, bouffants, se portent sur des bottes rigides. Ils ont un air désuet que le bouton pendouillant ou les traces de saleté tenaces accentuent et rendent attendrissant. Ils battent des rythmes fous, faisant penser aux airs des tziganes de l'est, du folklore grec et proche orient. J'adore. Pour peu, je me croirais au fin fond du Péloponèse, lorsque gamines, nous allions dans le village de ma mère pour fêter le Paniyiri. Les clarinettes aux sons stridents m'étourdissaient alors.
Les hommes entourant l'époux, se déchaînent et dansent en bougeant habilement des hanches. Ca saute comme des cabris. Il n'y a pas une seule femme dans l'assemblée, elles suivent à l'arrière, entourant la mariée, dont on ne voit pas le visage, cachée par un voile. Elle restera quasi absente tout le temps des épousailles, du moins celles que l'on peut voir . Elle est dans une chambre, entourée des femmes, se faisant dessiner de beaux motifs aux henné sur les mains et pieds. J'ai l'opportunité de juste croiser son regard avant de quitter cette joyeuse assemblée.
Je descends donc à pied, après cet intermède délirant, prête à parcourir les 20 kilomètres qui me séparent de Sangla. La route est belle, en légère pente, idéale. Les alentours sont calmes, c'est charmant. Après quelques heures de marche toutefois, des nuages menaçants me poussent à finir la course en jeep. Une âme charitable m'aura prise en passant.
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