30 décembre 2006

Trek dans les alentours de Munnar

J'ai quitté la frénésie balnéaire pour les montagnes du Kerala. Je me suis retrouvée au frais, à Top Station. Il y a là des plantations de thé, ces jolis buissons d'un vert vif. Je passe une 1ère nuit dans une petite cabane du bout du monde, où se trouve le view point. Il est fortement visité la journée, mais à l'aube de mon 1er réveil, je savoure le calme et la beauté de l'instant, en totale solitude et vis là un magnifique moment.











Je rencontre Mano dans l'un des seul chai shop des environs. Il est guide et me propose un trek dans la région. Je viens d'abord dormir chez lui. Je partage la chambre (seule pièce de la maison) avec sa mère (qui dormira sur le sol malgré mes supplications), son mari sur un lit et moi sur un autre.
Sa mère semble perdre un peu la boule avec l'âge mais de manière sympathique. J'aime bien la regarder écosser les haricots de ses mains ridées. Elle les cuisinera ensuite dans un pot en aluminium sur un feu de bois. L'âtre est alimenté par de fines bûches. Le foyer est fait de terre, avec un trou pour placer les casseroles. Il y a constamment un grand récipient qui chauffe de l'eau (pour se laver, faire la cuisine, la vaisselle). Le plafond de la maisonnée est noir de suie mais la nourriture a cette saveur particulière de la cuisson au feu de bois. Il n y a pas l'eau courante mais un tuyau relié à un ru qui remplit de gros barils, dehors. Une autre vie, un autre temps.





Des gens à l'accueil incroyable, d'une générosité sans pareille alors qu'ils n'ont pratiquement rien. Ca me renvoie des choses à la figure... La maman, une veille femme qui me regarde fixement de ses yeux foncés, en me tenant le menton avant d'embrasser ses doigts, en dodelinant de la tête, comme seuls les indiens savent le faire. J'adore. J'ai l'impression ici, que les êtres se rencontrent et n'ont pour ce faire, pas même besoin de parler une langue commune. Je me sens ici accueillie, telle que je suis et je peux m'y sentir chez moi. Etrangement, ça ne sera pas le cas. Après le trek que nous effectuerons, je ne me sentirais pas à l'aise, trop en décalage. Je n'arriverai pas à rester dans ce, pourtant, charmant endroit. J'aurais besoin de bouger. Allez savoir pourquoi, le mental est fort quand même...

Mais nous partons donc en trek avec Mano aux travers de buissons et plantations, de forêts et sentiers dans une belle campagne. Je reste alerte et les sens en éveil car ici vivent encore des tigres et éléphants sauvages. J'aurais vu leurs traces de pas dans la terre, des griffures de félins sur les troncs des arbres (où ils s'installent sur les branches pour se reposer) mais pas les animaux en chair et en os, malheureusement. J'écoute les 1001 histoires contées par Mano qui m'émerveillent, me font frissoner et enfin rêver.









Voici une fleur qui ne pousse que tous les 14 ans, appelée Kurinji. Sa comparse de couleur blanche ne pousse elle que tous les 24 ans! J'ai eu la chance d'en apercevoir en toute fin de floraison.

25 décembre 2006

Noël à la plage

La crèche de Noël



Je me retrouve sur la plage de Varkala pour Noël. Ce devait être splendide lorsque c'était encore sauvage,il y a quelques années avec cette grande falaise qui domine la mer, recouverte de cocotiers. Maintenant il y a tout du long, des restos, des hotels et des échopes. Dommage de tout sacrifier ainsi pour le pognon... Même si je suis une actrice active de ce jeu-là en visitant autant d'endroits. J'ai néanmoins bien profité des richesses que ce monde a à offrir, c'est Noël après tout(!), en me gavant de poissons frais, présentés sur des feuilles de bananiers et autres croissants au chocolat...


Le frigo de Varkala
वर्काला


Ce soir-là, j'assiste à un spectacle de danses, genre Bollywood. Les protagonistes, une sorte de boysband, vêtus de fringues un brin kitshouille remuent des hanches, sautent toniquement en tous sens et font du playback sur les paroles. Ils semblent vraiment heureux de se produire et ça a mis une sacrée bonne ambiance! J'ai passé la soirée en compagnie de sexuagénaires, croquant la vie à pleine dents (mon 1er Noël avec cette unique tranche d'âge, comme l'a soulevé Michel, l'un d'entre eux, qui j'imagine ne quintera pas si je donne ici l'adresse de leur blog sur l'Inde, pour ceux que cela intéresseraient, il y a de superbes photos http://inde-eternelle.blogspot.com/).

22 décembre 2006

L'ashram d'Amma

Je fais une autre ballade sur les eaux, en bateau à moteur cette fois-ci, pour rejoindre Kollam, toujours plus au sud. Je décide de faire halte en chemin, à l'ashram d'Amma, une des seules femmes Gourou du pays.




"Amma est amour, amour inconditionnel,
Amour libre de toute demande,
Amour humble qui ne fait que donner, qui ne peut que donner.
Son amour est une étreinte qui nous emmène au cœur du Divin.
Sa vie est l'expression de cet amour,
Sa vie est compassion infinie,énergie puissante qui jaillit de la source pure de l'Être, énergie de compassion au service de toutes les souffrances."





Je suis quelque peu surprise par la taille des bâtiments qui composent l'ashram. 2 grandes tours abritent les studios des disciples (dont certains vivent là). Tout est rose ici, on se croirait au pays de Barbie, Made in India! La structure est très bien organisée : internet, shops divers, cantine indienne, cantine western food et un bureau d'accueil pour les étrangers (venus de partout dans le monde, Amma ayant des ashrams ailleurs).






J'ai toujours eu un regard sceptique, voire cynique sur ce genre de lieu. Et comme je m'y attendais, je croise certaines personnes qui ont l'air "un peu perdues", d'autres avec un sourire (niais) scotché sur la face, qui me rappellent étrangement celui de certains chrétiens... Une autre se ballade en serrant dans ses bras, une poupée en chiffon à l'effigie d'Amma. Il y a de quoi se poser des questions...

Amma : une grosse mama qui serre les gens dans ses bras pour faire passer son message
d'amour. J'ai donc fait la queue pour avoir mon embrassade, munie d'un ticket jaune, semblant me donner un passe-droit pour y accèder, en tant que nouvelle arrivante. La gourou est sur une grande scène, à sa gauche la queue des hommes et à sa droite, celle des femmes. Dans la salle, se trouvent des chaises où sont assis des gens. Je ne sais pas ce qu'il font là, s'ils attendent l'embrassade, se recueillent ou assistent juste à la cérémonie. Je me fais prendre en main par une disciple de blanc vêtu, qui m'oriente donc dans la queue, lorsqu'elle aperçoit mon ticket jaune.

Alors que mon tour approche, je suis prise en charge par la main vigoureuse d'une disciple, en blanc aussi, afin d'être positionnée face à Amma. J'ai ensuite à peine le temps de me rendre compte de ce qui m'arrive. Me voilà la tête collée contre les seins d'Amma. Elle continue de parler avec des gens derrière moi alors que j ai les bras coincés contre son ventre.
Je ne suis pas sûre de savoir ce que je devrais ressentir pendant l'étreinte...
Puis Amma change ma tête de côté en me maintenant fermement contre elle. Là, elle me dit à l'oreille quelque chose qui ressemble à : "mowglimoglimowglimogli". Elle me relâche alors, me regarde dans les yeux en me donnant un petit paquet contenant des cendres et un bonbon à l'orange... D'accord...

Je suis à nouveau tirée par le bras. Une autre disciple, celle-ci chargée de placer les gens derrière Amma, me trouve une place. J'ai alors tout le loisir d'observer la faune locale. Certains méditent, d'autres regardent amoureusement Amma (sourire toujours scotché) et d'autres encore se rapprochent d'elle, chaque x qu'une place se libère devant eux...






J'ai de la peine à comprendre cette ferveur, ce besoin d'adulation qui étreint certains de nos congénères. Drôle d'idée que de vouloir vivre dans un ashram qui, quelque part, se coupe de la vie, de la réalité. Je trouve cela un peu triste. Il y a beaucoup de personnes âgées, d'étrangers, seuls chez eux, quoi qu'il en soit, qui s'installent ici, retrouvant une sorte de famille.

Autant qu'ils soient là finalement...

Je quitte la cérémonie de l'embrassade, appelée Darshan, alors que les mantras battent leur plein et ne cesseront pas avant 23h. Amma aura serré des gens dans ses bras pendant 15h aujourd'hui. C'est sûr (il faut le lui laisser), ça n'est pas donné à tout le monde!

Je quitte l'ashram le lendemain, me demandant si je suis un être sans spiritualité aucune...



20 décembre 2006

Allepey

Je descends plus au sud, jusqu'à Allapuzha, aussi appelée Allepey. Ici commençent les circuits (touristiques) des backwaters. Ca regorge de palmiers, du vert partout, même l'eau des canaux est de cette couleur. Le bleu du ciel vient agréablement nuancer le tableau.





J'assiste au 1er jour d'un festival de musique religieuse au Mullackal temple. On m'a avertie d'une cérémonie, le lendemain matin, avec un éléphant faisant le tour du temple. M'y voici donc. Une musique s'entendant de fort loin, au son criard, plein de disto, accompagne le rituel. L'éléphant, décoré d'un tissu aux 1000 couleurs et où brillent aussi quelques petits miroirs, se tient devant l'entrée du temple. Il est monté d'un homme au loongi blanc (tissu de coton, noué à la taille). Devant la grande bête, il y a une flamme qui brûle dans un "bougeoir" avec, en ornement sculpté et pour guise de poignée, un cobra au cou deployé. Devant la flamme et celui qui la portera, se tiennent les musiciens (clarinette, tambour battant la chamade et une autre percussion). Ils jouent un même mantra qui plonge réellement l'esprit dans un certain état... d'hébétitude? Puis à un moment donné, le cortège se met en route et fait le tour du temple. Ils répèteront le même rituel 3x. La procession est marrante à observer.

A un moment donné, il me semble bien percevoir un brin de tension chez le pachyderme. Il remue ses jambes, attachées par de grosses chaînes. Son regard semble apeuré, serait-ce la musique trop forte, trop tout? Il remue plus fort une jambe et reçoit en retour un coup de bâton. Il pousse alors un cri, venu du fond des entrailles (de la terre?) qui fige tout un chacun sur place, un frisson semble même parcourir l'audience. D'un coup, je l'imagine brisant ses liens, balançant sa tête, la trompe assomant tout ce qui passe et enfin devenir fou en détalant .
Mais le calme revient une fois qu'il s'est exprimé.
Cela me rappelle simplement que je suis bien peu de chose face aux forces de la nature.

Au cours de la céremonie, les gens ont afflué, tous faisant face à l'éléphant vénéré. Il y a une petite table, devant le temple, où sont entreposées différentes poudres orange, blanche et rouge.
Je vois les indiens défiler les uns après les autres et s'en tamponner le doigt. Il aposent ensuite la couleur sur leur front. Il y a même un miroir installé sur une colonne pour pouvoir viser juste. C'est tout de même bien organisé!!!

Certains prient avec une ferveur, une totale dévotion qui me laisse un brin émue. Ils semblent si "vrais" à ces instants, fronçant parfois des sourcils, les lèvres remuant à peine, formulant vite leur prière. Certains se prosternent à même le sol, dans un mouvement souple.
Un dernier signe sur le front et ils quittent les lieux. Je les suis, quelque peu assourdie et groggy par tant de mêmes phrasés musicaux...

Ballade ensuite dans les backwaters en canoë. Seul le froissement de la pagaie vient troubler le calme environnant. Je découvre des rivières larges, de petits canaux qui desservent les maisons isolées. Je vois un serpent comme posé sur l'eau, qui se met à onduler à la surface alors que le bateau vient troubler sa quiétude.
Les cocotiers sont partout, se reflètant sur les eaux. Elles se transforment alors en fidèle miroir.



14 décembre 2006

Fort Kochin


L'ambiance est décontractée, on est dans le sud. Les chaudes après-midis aspirent à la paresse. Je décide, tout de même au bout de 18 jours, de quitter ce rythme doux pour me (re)jeter dans l'Inde, qui une fois de plus, m'aura suprise en arrivant à Fort Kochin, au Kerala. Un état vert, d'une végétation omniprésente, encore plus luxuriante et éclatante qu'à Goa. Il y a de l'eau partout, des rivières, des canaux qui composent les fameux backwaters.

A Fort kochin (aussi appelé Ernakulam), il y a de veilles maisons coloniales, d'autres rafraîchies luxueusement. La chaleur y est étouffante, écrasante, étonnante pour la saison. Le moindre mouvement me fait suinter. Les gens se balladent sous des parapluies pour se cacher du soleil. Je tente de feinter mon sort et obtenir un brin d'air en louant une bicyclette, un jour de grève générale. Tous les magasins sont fermés et les rues sans circulation, la ville est au calme. Je longe les devantures d'exportateurs : thé, épices, curry, sacs qui s'entassent, caisses en dépôt. Les odeurs de turmeric, poivre, piment, cardamome, cannelle et autres se mélangent. J'ai l'impression d'y être : plongée dans le temps, la route des épices, ses découvertes, le frétillement du marché conclu puis l'embarcation sur un bateau, d'une durée indéterminée. La chaleur en plus, ça le fait complètement!

Je longe la côte et me rapproche des pêcheurs et de leurs carrelets de filets chinois. C'est beau. Le filet est suspendu en l'air, retenu par un système de balancier. La pêche ici n'est toutefois pas sensationnelle.




En revanche, je me suis levée bien tôt un matin pour assister au retour des bateaux, partis dans le grand large. Les paniers de poissons sont amenés et jetés au sol, sur des bâches. La vente se fait a l'enchère. Rapidement un groupe d'hommes entoure le tas de poiscaille et le gars qui crie les prix. Ca s'active de toute part, les bateaux (de larges barques, avec parfois écrits dessus, le nom des donnateurs suite au tsunami, qui a également atteint ces rives) partent et laissent leur place à d'autres. On me montre un serpent de mer, pris au piège dans un filet. Une fois libéré, un homme lui assène un coup de pagaie sur la tête alors que je cris un nooooooooon...

Puis comme toujours, la vie reprend son cours. Je m'en vais boire un chai, servi par un gars qui se ballade, un tonneau à robinet posé sur son velo. Une petite corbeille contient les verres en plastiques à l'avant. Astucieux. Je sirote mon thé en répondant aux habituels bonjour et autres prénom, nationalité, mariée ou pas, maman ou non et enfin sourires. On veut savoir qui je suis. On ne me demande pas quel travail je fais. Sacrée différence!

Je quitte la doucereuse ambiance de cette ville qui m'aura fait rêver, transportée par ses odeurs.

06 décembre 2006

Goa




J'ai donc laissé les terres arides, lunaires et désertiques du nord visité pour rejoindre la végétation luxuriante du sud, à commencer par goa. J'ai pris le train de jour depuis Mumbai. Départ à 7h du matin alors que la ville et ses faubourgs s'éveillent. La voie ferrée longe pendant longtemps les différents quartiers de cette mégapole. C'est l'heure des toilettes et les hommes viennent se vider le long des rails, l'air impassible, leur bouteille d'eau à portée de main. Diverses odeurs m'assaillent : celle de la merde, évidemment, de l'eau rance, ou encore de l'encens, du café, de bidis, de bouffe huilée. Je m'y fais et finis même pas ne plus la remarquer.

Puis le train prend de la cadence, le cliquetis métallique des rails me berce. Je m'endors pour quelques heures. Je dois être près de Goa lorsque je me réveille. Les alentours sont verts d'arbres, de plantes énormes, de fleurs. L'humidité de l'air contraste fort avec la sécheresse des semaines passées. Je reconnais les charmantes maisons du coin, à l'aspect colonial, revisitées Made in India. Les toits sont bas, faits de tuiles rouges. Pas un ne semble droit, tous ondulent, comme si eux aussi étaient aplatis par la chaleur et les differentes moussons qui leur sont tombées dessus. Les murs sont de couleurs, le plus souvent jaune, vert, bleu ou rose pastels, defraîchis, ce qui leur donnent un air désuet, comme arrêté dans le temps. J'aime bien.


La terre est rouge, humide, elle sent fort. Le ciel, alors bleu, commence à se charger de nuages. Au sortir d'un des nombreux tunnels, une pluie diluvienne, digne de la mousson, s'abat sur nous. L'air devient carrément frais. J'alpague l'un des nombreux vendeurs ambulants qui arpentent le train pour boire un chai (thé au lait). Il l'annonce en disant d'une voix nasillarde : "chaigarrrrrrrrrram" (thé chaud), les autres qui défilent sans cesse crient : kelle (bananes), kakkkkerrrri (concombre), vegbiryani (riz frit), toastsandwicheggcurry (...). puis arrivent les vendeurs de jouets en plastiques, de journaux, de lacets (?), de chocolats, de boissons (gardées au frais dans un sceau rempli de glace). Passent aussi les estropiés, les travelos (ça donne un indien en sari, plein de poils, parfois même avec une moustache, du rouge aux lèvres, dans tous les cas, surprenant), des gamins aux habits sales qui nettoient le sol des wagons, tendant ensuite la main pour obtenir quelques roupies.

J'arrive au terminus de la ligne, à Magdaon plus précisément et pars directement pour rejoindre Patnem, où j'ai maintenant l'habitude d'aller me poser. J'y retrouve les comparses qui passent l'hiver ici. S'en suivent 18 jours de farniente presque total. Au programme bronzage, ballade à vélo (mais pas trop), lecture, grimpe.
Suis allée :
  • 1x a agonda a velo pour manger le superbe thali de Fatma. Chez elle, il y a 6, voire 7 sortes de légumes différents qui composent l'assiette. Un vrai régal, un spectacle de saveurs en bouche. Les graines utilisées, le choix des légumes font que c'est bel et bien, l'un des meilleurs thalis de l'Inde (je dis bien de l'Inde entière) qu'il m'ait été donné de goûter.
  • 3x jusqu a Chaudi (2kms) pour diverses activités, internet, réservation du ticket de train, achat de poudre antibiotique, pas mal pour assècher les plaies.
  • 1x jusqu a Gokarna (3h30 de bus aller) afin de commander des sacs à vendre.
  • 2x a Palolem (la plage d'à côté) pour aller souper...



Vue depuis ma chambre


Vous l'aurez compris, ici , c est repos assuré où le moindre détail prend son importance car on a le temps de s'y arrêter. Goa et ses palmiers qui bruissent dans un léger froissement. Le roulis régulier des vagues. Le cri des chiens en meute la nuit. L'odeur du poisson pêché (de + en + rare), celle fleurie des rizières, en fin d'après-midi. On dirait que toute la terre transpire la chaleur de la journée. C'est humide, chaud, moite, boisé, fleuri, enveloppant, parfois même enivrant. Les oiseaux tiennent des conversations sur les fils éléctriques dont ces beaux verts/jaunes, très fins, qui une fois leurs ailes deployées me font penser aux dinosaures qui volaient. Mes préfèrés restent les martins-pêcheurs aux couleurs bleus ou verts flashys, superbes. Ils ont l'air fiers avec leur bec droit.



Un vendeur de babioles sur la plage



Et puis, allez savoir pourquoi (peut-être le fait de voir des couples partager leur passion ensemble...?!), de profondes refléxions sur ma relation amoureuse se mettent en branle dans mon esprit. Ce n'est pas toujours facile à gérer avec la distance, il faut bien le dire. J'ai le blues comme qui dirait. Triste de ne jamais pouvoir partager cette envie, passion-là. Une sorte de malaise intérieur grandit. Je suis entre 2 chaises depuis bien longtemps. Et le voyage, malgré sa beauté, ses découvertes et surprises n'empêche pas les remises en question. C'est bien plutôt le contraire...

04 décembre 2006

Départ pour le sud, escale par Bundi

J'ai quitté Pushkar par un beau matin dans l'un de ces typique bus locaux. Là, 4 vieilles femmes montent dans l'engin, encore vide à l'aurore. 2 d'entre elles sont fortes et les 2 autres toutes menues. Elles ont l'air de très bien se connaître. Je les imagine soeurs ou belles-soeurs,vivant ensemble depuis longtemps. Les 2 plus fortes peinent à monter dans le bus. Elles brandissent une main tremblotante, tentant de s'agripper quelque part et se hisser, en vain. Finalement, elles se voient aider par les plus agiles qui tirent, poussent de toute part, en pouffant de la situation, loufoque, il faut bien le dire. J'observe le manège et les vois enfin s'installer sur les banquettes en bois : 2 à l'avant et 2 derrière. Elles entament alors des chants religieux, aux sons concordants douteux. Elles chanteront pendant 4h, jusqu'à leur destination. Personne ne se formalisera de cet acte de foi en plein bus. Tout le monde finalement y prendra part à sa manière : chantonnant à son tour, battant le rythme du pied, de la tête, les mantras ayant cette inévitable faculté de plonger l'esprit dans un certain état de torpeur. Je n'y échapperai pas.

J'arrive à Bundi, charmante petite ville du Rajasthan. Il y a là bien moins de touristes que dans les autres cités de l'état. L'atmosphère me séduit de suite. L'on découvre dès l'abord de la localité, un fort la surplombant, majestueux avec sa belle architecture aux airs arabisants. Cela me donne le sentiment de voyager dans le temps, également. J'aperçois un quartier de maisons bleues indigo, la couleur des brahmanes, la plus haute caste. J'ai trouvé une superbe chambre dans une vieille haveli. Il y a des alcôves dans les murs, un escalier qui mène sur la terrasse privée et un balconnet intérieur derrière une fenêtre aux verres de 1000 couleurs. Pour un peu, je me croirais Shéhérazade...



Bundi
बुंदी

Je me ballade dans les ruelles étroites. Des vaches traînent ci et là, à la recherche d'un petit rien à boulotter. Certains gamins agitent leurs cerf-volants. D'autres sont assis, se cherchent les poux. Le marché est vivant, coloré, tout s'y trouve, s'y vend. Il y a une rue où se fabriquent les bangels, ces bracelets qui cliquettent et s'accordent au sari, que les femmes indiennes aiment à porter.

Je reste longtemps assise à les voir confectionner les bijoux. Il faut voir aussi le moment de l'essayage. De grosses femmes indiennes, les bras déjà chargés d'achats, s'arrêtent et regardent, comparent, tatent ces cercles de verres. Elles les tiennent entre leurs mains et les ajustent pour voir s'ils sont tous ronds de la même manière. Ca discute ensuite du prix, puis un autre set de bracelets est montrés et la cliente repart avec quelques jeux de nouveaux artifices. Personne ne s'étonne de me voir assise là en leur compagnie, c'est normal, plutôt chouette même.

Je ne fais étape que quelques jours. J'ai un ticket de train qui part de Kota, à 1h de route de là. Je m'en vais rejoindre Mumbai (Bombay) en trajet de nuit. Je quitte Bundi en catastrophe car j'imaginais partir la nuit suivante. Le convoi part à 00.05 le 25 et non pas le 26, comme je l'imaginais. Je packe mes affaires pendant que la famille de la guest house me fait à souper. Je prends encore vite une douche et file ensuite à l'arrêt de bus. Waouh... Je respire, même si ces petits coups d'adrénaline m'amusent bien. Ca aurait été trop bête de rater le train car toutes les places pour la ligne sur Mumbai sont complètes les jours suivants. La période des mariages a commencé (elle durera jusqu'à avril) et de fait, il peut s'avérer difficile de trouver des places en wagon couchettes.

Je débarque à Mumbai après une (étonnante) bonne nuit de sommeil et tente de trouver un ticket de train pour le soir même afin de rejoindre Goa. Bien que je me rende au bureau des touristes, où l'on peut obtenir des places sous quotas réservés à notre effet (étrangers donc), j'apprends que tout est complet... Je passerais la nuit ici et descendrais plus au sud avec le train de jour demain. Je me dirige à Collaba, le quartier des voyageurs, situé juste derrière la Gateway of India et le fameux Taj Mahal Hotel. J'y ai mes habitudes et débarque à l'Apollo guest house où je suis accueillie par les boys (en Inde chacun à son rôle. Il y en a un qui s'occupe du nettoyage des WC, l'autre de cuisiner, le 3ème d'amener le plat, le 4ème, je l'ai vécu, poste l'échelle alors que le 5ème, le patron, montera dessus pour changer l'ampoule), qui me reconnaissent, ce qui est toujours fort sympathique. Ca me demande des nouvelles de chez moi, être sûrs que tout le monde va bien. On s'est rencontrés peut-être 6x et ces gens qui ne connaissent absolument pas ma famille m'en demande des nouvelles. Ce sont ces petits détails qui me touchent ici.

28 novembre 2006

Pushskar



Je me rends à Pushkar, village saint situé dans le Rajasthan, aux portes du désert. Un lac se trouve en son milieu et confère un aspect serein à l'endroit.



PushkarCentrer
पुष्कर


Il y a de belles maisons, appelées Havelis (हवेलिस), aux fenêtres comme brodées ; savantes constructions pour garder les femmes loin du regard des vicieux, pendant les temps plus anciens.




Je prends des cours de hindi ici et cela s'avèrera être une fort intéressante expérience. Comment dire... La méthode utilisée n'était pas tout-à-fait concordante à mes attentes. Assise à côté de ma prof, que je visite 3h par jour, j'écris les mots qu'elle me dicte. Ils sont groupés par genres, comme les légumes, les fruits, les épices (à ce propos, ils en utilisent un tel nombre au quotidien! Je me suis faite la réflexion qu'on était pauvres en saveurs), puis les animaux sauvages, domestiques (dont ici le chameau fait partie. Pushkar est aussi connue pour sa foire aux dromadaires qui attire des milliers de bestiaux).

Une myriade de mots, à la prononciation pas évidente que j'apprends jour après jour. Lorsqu'on en vient au corps humain et tente alors de mémoriser des mots tels la luette, les omoplates, le pancréas, je réalise qu'il sera difficile de les glisser dans la conversation, même pour simplement vérifier ma prononciation... Je commence alors à me demander si cette méthode m'est vraiment profitable. Nous ne voyons pas la grammaire et ne sais donc toujours pas comment se construisent les phrases. Alors que les jours passent, je doute avoir trouvé la bonne personne pour apprendre à parler.




Pushkar attire de plus en plus de voyageurs. On est en haute saison et j'ai davantage l'impression d'être à Tel Aviv qu'en Inde. Il y a un nombre d'israéliens important ici, comme à d'autres endroits ciblés en Inde. Bon nombre d'entre eux partent, en effet, voyager pour quelques mois après le service militaire (3 ans les hommes, 2 ans les femmes). L'Inde semble être une destination phare pour eux. L'un rencontré, me disait, qu'ici, il a l'impression d'être le roi, peut tout y faire et n'a pas de restrictions comme à l'armée. Et tout ça, pour pas cher. Certes, mais enfin est-ce que cela donne tous les droits???

Il faut aller aux abords du lac observer les pélerins en train de faire leurs ablutions ou dans les temples pour se rappeler que c'est un lieu saint. Cette ambiance surfaite motivera également mon envie de bouger.

25 novembre 2006

Richikesh



Depuis que j'ai quitté la jeep, le trajet durera encore une éternité. Je changerais de bus 3x avant d'atteindre les rives du Gange sacré. A chaque trajet, une foule hétéroclite qui monte, descend du véhicule, parfois dans des endroits saugrenus, où il ne semble rien avoir.
A Rishikesh, il y a un monde fou, une agitation intense et du bruit qui m'agresse. Après la sérénité et la zénitude de Spiti valley... C'est un peu dur, je dois le dire...

Je trouve une chambre et découvre les lieux. Le Gange est bleu ici, c'est la première chose qui me frappe. Je suis habituée à le voir à Varanasi où le vert foncé, opaque est bien contrastant...
Il y a de nombreux saddhus, d'orange vêtus, assis le long des rives. Beaucoup de blancs viennent ici pour faire du yoga ou, semble-t-il, toute autre recherche spirituelle. Il y a, en effet, une miriade d'ashrams, de cours de reiki, méditation, massages etc... dans le coin. Les Beatles eux-mêmes y avaient leur Guruji ici...



Sacred India
सक्रेद गंगा


Alors que j'aimerais me poser quelques temps afin de prendre mes cours de langues, je sens néanmoins de suite que ce ne sera pas ici que je pourrais le faire. Cela ne s'explique pas. Je ne sens pas le lieu, malgré un côté sympathique, que j'y reconnais.



22 novembre 2006

Kakanal (et oui, cela ne s'invente pas)

Je ne reste pas à Manali que je trouve trop bruyante et surpeuplée après le calme de Spiti Valley. Je descends quelques kilomètres plus bas, à Kakanal, chez des amis d'une amie (merci grande!) qui vivent là depuis quelques années déjà. Je me retrouve dans un havre de paix, une charmante maison, entourée de pommiers plantés en escaliers. De superbes oiseaux, à la longue queue faite de plumes rebondies, s'envolent et se posent sur les fils électriques, au gré de leur envie. La vie semble bien douce ici.



J'écoute les récits d'aventures de mon hôte, lorsque ses deux petits ouragans sont couchés. Les histoires de voyages datent d'il y a quasi 30 ans et cela me fait rêver. L'Inde devait être autre à ce moment-là. On peut dire que les moyens et services pour le voyageur ont quelque peu changés depuis!!! La route est maintenant bien facilitée.

De plus en plus, naît en moi l'envie de prendre des cours de hindi. Je me rends compte à chaque fois comme cela me serait utile. Dans les montagnes, particulièrement, là où les femmes sont davantage ouvertes, il serait intéressant de pouvoir communiquer plus profondément avec elles. Je cherche le prochain endroit du voyage où j'irais, afin de suivre ces cours. Ici, la saison ne devient pas idéale pour qui n'est pas équipé.

Je reste quelques jours où je récupère du dernier trajet.

Puis, nous descendons ensemble en jeep, de nuit et quittons la Kullu valley. J'aime ces trajets nocturnes. Il y a toujours une drôle d'ambiance. J'ai de la peine à dormir malgré ma fatigue. J'ai envie de voir le contour des montagnes sous la faible lumière de la lune. Cela donne toujours une autre perspective.
On s'arrête dans des bouibs au bord de la route. Malgré l'heure tardive, il y a toujours de quoi se sustenter et boire un chai... Evidemment...
J'adore ces moments, décalés, où tout le monde est fatigué. Il y a un gars qui dort, allongé sur le banc. Je me demande ce qu'il fait là et encore plus, ensuite, où il va, lorsqu'il finit par se réveiller et, partant sur la route, seul, au milieu de la nuit. Scènes de vie... J'entends le clapclap régulier du cuisiner qui confectionne des chapatis, les applatissant entre ses mains, en les faisant pivoter. Le feu rougeoie dans un coin, les murs de la cuisine sont noirs de suie, un autre noctambule a son écharpe nouée autour de la tête, telle un oeuf de Pâques... J'y vois toute une poésie.

Alors que la jeep continue jusqu'à Dehi, je saute en route pour rejoindre Richikesh.

18 novembre 2006

La route jusqu'à Manali

Je quitte la vallée de Spiti par une route que je ne pensais pas non plus pouvoir emprunter, pour cause de neige entravant le passage. En effet, il va nous falloir passer un col à quelques 4500 mètres...

Je prends place dans un taxi-jeep que nous partageons à onze voyageurs. Je suis heureusement arrivée tôt le matin (7 heures) pour avoir une place au milieu. Les derniers, se retrouvent à l'arrière et sont plutôt coincés, il faut le dire.
La compagnie est jouasse, la musique bat son plein et les paysages restent sublimes. Il y a quelques champs labourés qui dessinent de beaux motifs. La jeep, cahotante, sur cette piste, longe des parois raides puis croisent des points d'eaux. Des ponts que je pensais hors service, pour cause de dangerosité évidente, se voient pourtant traverser par quelques véhicules et camions brinquebalants.

Il faut en parler des camions en Inde. On les voit partout sur les routes et parfois même sur les rails! En ligne, incomptables. Et dans ces régions montagnardes, ils sont primordiaux, reliant les coins les plus perdus. Ils sont souvent bien chargés et certains, extrêmes, rappellent étrangement la forme de champignons, déambulants, avec leur bâche recouvrant le chargement. Les engins sont colorés, avec des motifs peints sur les rebords, comme une guirlande de fleurs et presque tous arborent à l'arrière, un fier "Horn please" (klaxonnez, svp)...
Comme si les indiens avaient besoin de se le faire rappeler?!?
Et lorsqu'ils klaxonnent, j'ai remarqué qu'il n'y avait aucune agressivité. C'est vraiment et uniquement, LE moyen de se signaler aux autres.




La route monte et l'on aperçoit la neige de très près. Nous parvenons au Kunzam La Pass.




Les cols de l'Himalaya, fortement habités par la population bouddhiste, sont toujours de forts moments à vivre, lorsque je les traverse. Il y a ici 3 Chörtens (photo ci-dessus) avec les objets de cultes habituels, recouverts de drapeaux de prières colorés, qui illuminent l'espace. Ils flottent au vent, claquant d'un léger bruissement et rappelant ainsi la présence des Dieux aux profanes. C'est splendide. Il y a de nombreuses pierres aux prières sculptées, appelées Madi aux alentours.




Tout le monde est silencieux, respectueux. Mes voisins de route s'en vont prier. Ils se prosternent devant l'autel, déposent une offrande, puis tournent autour des gompas, toujours dans le sens des aiguilles d'une montre, avant de se recueillir une dernière fois.

Nous reprenons ensuite la route.

Petit-à-petit, le silence s'installe dans le véhicule. Chacun semble perdu dans ses pensées. Les paysages défilent et ne me lassent pas. Chaque pierre semble être différente, la rivière change d'aspect également et maintenant que nous commençons à descendre, voilà même que la verdure réapparaît.

Nous ferons une pause thali, repas typique d'ici, aussi appelé "meal". Plat servi sur une feuille de bananier (dans le sud) ou sur une assiette en alu avec bord remonté. On mange avec la main droite, toujours (l'autre servant aux tâches impures), le rebord permet donc de stopper la nourriture afin de la mettre en main, doigts en cuillère. On pousse ensuite les aliments en bouche avec le pouce. Le repas se compose de : riz, portions de curry, legumes, dhal (lentilles), pickles (sauce très étrange au goût on ne peut plus étonnant. Est-ce amer, piquant, salé, sweet'n'sour, acide? Tout cela en même temps? L'un après l'autre? Je ne saurais le dire mais on s'y fait avec le temps et je ne m'en passerais maintenant pour plus rien au monde! Il y en a de toutes sortes. J'ai souvent eu celui à la mangue. Je mange donc en sirotant un chai ravigotant et en appréciant la vue, dans un de ces typiques bouibs longeant la route.

Nous arrivons enfin au Rotang Pass, le dernier bout avant de descendre la vallée et d'atteindre Manali. L'endroit est assez drôle. C'est une sorte de station de vacances pour indiens dits Middle ou même Upper class. La jeep se retrouve prise dans un bouchon, étonnant après le traffic à dose homéopathique que j'ai subi les semaines passées. Les taxis, bus touristiques et autres voitures privées (il y en a là plus que je n'en ai vus en presque un mois!), venus de Manali et parqués n'importe où, empêche le traffic de s'écouler. J'en profite pour sortir de la jeep et me dégourdir les jambes. C'est surtout l'occasion d'assister à un cirque inouï! Les gens se posent tous au même endroit : en bas de la pente, à côté de la route. Certains ont pris leurs chaises pliantes, d'autres tentent la photo en allant un peu plus loin, tous portent ces manteaux en fausse fourrure ou une combi de ski datant des années 70, loués en contre-bas, dans une échoppe longeant la route. Et la grande masse reste debout, éparpillée en groupe, en se sirotant des chai, du coca ou boulottant un épi de maïs, des cacahouètes, n'importe quoi d'autre vendu sur le site. Tous piètinent dans une boue brune qui contraste avec les cimes étincelantes, semblant toutes proches pourtant...

Après une petite heure de stagnation, nous voilà reprenant la route alors que le soleil commence à se faire plus doux. La journée aura été longue et je commence à me réjouir à l'idée d'une douche chaude (absente depuis longtemps au programme, ainsi que le lavage des cheveux, qui, bien qu'ils auraient eu l'occasion de se dresser plusieurs fois sur ma tête, compte-tenu des précipices abrupts que j'ai longés, en auraient été bien incapables, étant donné leur état de saleté).

Il me faudra pourtant patienter encore quelques peu car, alors que j'observe les arabesques que tracent les parapentes en vol, voilà que les freins de la jeep, lâchent. Ce qui est, somme toute, embêtant sur une route de montagne descendante...
Le chauffeur semble s'y connaître. Il se met à la tâche alors que les hommes passagers se groupent autour de lui et commentent la situation.
Tous les véhicules croisés au Rotang Pass descendent, comme le soleil. Après une bonne demi-heure d'essai, on finit par me demander si je n'aurais pas un préservatif pour stopper l'écoulement du liquide des freins... Mmmhhhhmmmm... Vous pensez vraiment que cela va tenir???

Après une heure et demie d'attente et de non-solution, je décide d'agir, voyant le flux des voitures roulant pour Manali devenir de plus en plus rare. Je me fais prendre en stop par des punjabis, contents de me dépanner. Je suis confortablement installée dans une énorme voiture de buisnessmen. Ca chante les tubes en vogue, j'imagine sans peine les images du clip avec de belles demoiselles ondoyant des hanches. Ils m'amènent à leur guest house, qui sera à mon goût. Tout irait de toute façon étant donné l'état de fatigue... Et il y a là de l'eau chaude.

15 novembre 2006

Spiti Valley


- Impressionnante Spiti Valley -
- स्पिति -



Je quitte le monastère de Khanum à l'aube et rejoins la route principale en contre-bas. Il n'y a pas de traffic, le village est encore endormi. Je me mets donc à marcher, entourée des montagnes pour seules compagnes. J'en découvre d'autres et d'autres encore, à chaque virage. Je me sens toute petite entre ces parois qui se dressent énormes, imposantes, inébranlables. Puis, je rencontre un groupe d'enfants sur ma route. Ils attendent le bus qui les mènera, quelques villages plus loin, à la première école. Il est 7h du matin... Comment vous expliquer mes sentiments alors que je découvre cette joyeuse ribambelle de tout âges. Ces sourires, cette explosion de joie, ces cris lorsque ces petits bouts me voient débarquer, sac sur le dos. Ca a quelque chose de magique. Puis, je sors mon appareil photo. Il faut les voir alors, l'air interdit, toute curiosité dehors, d'un air digne, prendre la pause.

Les rayons du soleil s'infiltrent entre les vallées secondaires et tracent comme des V de lumière dorée, c'est magnifique. Je marche quelques kilomètres ainsi, perdue dans la contemplation de ces lieux à l'aspect rocailleux, me sentant libre comme l'air. Une sorte de méditation me plongeant dans l'instant présent. Puis un camion me dépasse et l'on propose de me prendre en route jusqu'à Puh, situé à une vingtaine de kilomètres. Je monte dans la cabine du conducteur, où se trouvent 3 hommes. Il y en a un qui est l'homme à tout faire, un 2ème, chauffeur "de rechange", qui, lorsqu'il n'est pas derrière le volant, agite sa main à la fenêtre, côté passager pour assister la conduite de son partenaire. Je reste quelque peu sur mes gardes, finalement, tout pourrait arriver, mais mes compagnons de route, semblent loin d'être des psychopathes. Il émane plutôt d'eux une sorte de naïveté, comme je le ressens souvent. Comme meilleure arme en voyageant afin de parer aux dangers, j'écoute mon intuition. Elle ne m'a jamais trompée jusqu'à maintenant. Je peux alors me détendre et observer à loisir la cabine de pilotage.

Celle-ci est grande, confortable pour tout un chacun. Il y a des guirlandes en tous genres qui pendouillent sur le pare-brise et divers Dieux lumineux qui clignotent. La radio est fidèle au poste et le camion, cahotant sur la piste défoncée, semble suivre les rythmes endiablés des chansons. Je me sens bien. On ne parle pas la même langue, à part les 3 mots de hindi que je peux baragouiner. On fume en silence (ma tentative d'arrêt n'est pas encore totale... Il faut dire aussi que la cigarette à ce rôle en voyage : elle rassure, seul objet fidèle et connu. Dans un nouvel endroit, l'une des premières choses que je fais sera d'allumer une cigarette afin de me poser et d'appréhender l'espace inconnu).

J'arrive à Puh vers les 9h (environ 1h30 pour la distance parcourue : 20kms). Le camion me dépose. J'ai ensuite à peine le temps de me renseigner pour un bus qu'un homme dans un break propose de m'emmener. Quel luxe de pouvoir découvrir ces paysages hallucinants dans un véhicule tout confort ou presque! Je me mettrais lorsqu'il fera plus chaud, à l'arrière de la voiture, assise sur des énormes sacs de pives, afin de faire le reste du trajet.
Et c'est là parmi les plus beaux instants du voyage : Tête à l'air libre, le vent battant contre mon corps, mon visage, faisant voler mes cheveux. Je me sens vivre. Ca me rappelle aussi des souvenirs d'enfance qui me sont doux. J'aime cette sensation du vent m'effleurant. Aucun toit, fenêtre ou voisin pour m'empêcher de contempler ces montagnes aux reflets argentés, superbes. Je ne me sens jamais aussi libre qu'en ces moments-là. Le spectacle est de toute beauté et je ne cesse de le répeter au charmant chauffeur qui sourit de me voir si heureuse d'être là!

Bliss, this is bliss...

Dès que nous entrons dans la Spiti valley, l'eau de la rivière devient turquoise, d'une couleur au ton vif qui contraste fort avec celles des roches. Celles-ci prennent toute la place. Seul le ciel peut encore rivaliser et se pâmer, en occupant une aussi bonne partie de l'espace. Il est bleu électrique ici. La pureté de l'air est telle qu'elle ne laisse plus de place à la platitude. Cette immensité, peu habitée pourrait sembler monotone et ne l'est pourtant pas. La route serpente en étroit lacet, monte la pente, longe la rivière puis la quitte pour se reperdre dans des grandeurs pierreuses, semblables aux paysages lunaires. Je découvre des structures de montagnes différentes, aux tons changeants. La rivière nous montre son côté tumultueux et serein, toujours translucide et turquoise. Saisissant.




Je roule jusqu'à Kaza, la capitale du pays de Spiti. Le chauffeur qui aura refusé que je lui paie à manger ou le dédommage pour l'essence, me trouve même de quoi loger. La saison touchant plus qu'à sa fin, les guest houses sont, pour la plupart, fermées ou pratiquant des prix exhorbitants. Mon chauffeur me place donc dans la maison qui accueille ses collègues en visite. Je suis touchée par tant de générosité. Un sourire pour toute réponse et mon bienfaiteur s'en ira comme il est arrivé. Il y a une famille qui vit dans une pièce de la maison d'accueil. Le père se charge de me faire à souper. Je mange sur le lit de leur unique chambre car ils ont le chauffage et la nuit tombée, il fait un froid glacial. J'ai même vu des flocons de neige virevolter... Ma présence n'a pas du tout l'air de gêner la famille dans son quotidien.

Depuis Kaza, je rayonne et visite les monastères bouddhistes tibétains qui se trouvent dans les alentours : Key, Kibber et Dankhar. J'ai rencontré l''unique autre touriste dans la région. Il loue un taxi-jeep et me propose de se joindre à lui pour m'y rendre. Ce qui m'arrange fort, je dois le dire, compte-tenu des horaires aléatoires des bus. Je ne paie qu'une participation, ne pouvant décemment pas faire brûler mon budget, seulement pour une question de confort personnel. C'est entendu avec cet autrichien, exilé aux Etats-Unis, écrivain de profession, en vacances pour quelques semaines et ayant, de fait, un autre budget que le mien à disposition.



Le monstère de Key




Kibber Gompa




Les salles principales des édifices se parent de superbes couleurs par leurs longues tentures et autres Tangkhas, aux effigies de Bouddha. Il y a aussi de nombreux livres de prières. Ce sont en fait des feuillets, empilés en un bloc et serrés en leurs extrémités, par des planches en noble bois. Ils sont ensuite recouverts d'un tissu protecteur. Certains de ces écrits datent de plus de dix siècles! Les moines font volontiers visiter le monastère. J'y re-découvre (voyage au Laddakh et en Himachal Pradesh en 2000, avec également de nombreuses visites de monsatères bouddhistes tibétains) la rusticité des lieux, du confort, de"services", si je puis m'exprimer ainsi (certes, cela reste un monastère mais tout de même... ceux de la Thailande me semblent bien loin...) : Les toilettes sont un trou entre deux planches. La douche : un robinet d'eau froide venant de la source. Un tuyau le bouche et arrose le jardin. Sinon, un bout de bois qui pendouille stoppe le flux de l'eau. Evidemment, avant que je ne m'en aperçoive lorsque j'ai du l'utiliser, j'inonde le lieu...

Mes diverses observations me font, une fois de plus, m'étonner des différences qui composent nos vies, varient nos réalités et que je ne pensais parfois même pas exister. J'imagine le quotidien des ces gens, au bout de leur vallée, loin de tout, près du ciel.

04 novembre 2006

Khanum Gompa

C'est donc guillerètement, l'expression presque naïve, ravie de mon coup de tête, que je m'engage en direction de la vallée.
Je vais faire étape dans ce monastère bouddhiste tibétain, Khanum gompa, situé au sommet d'une colline, gravie à la force de mes jambes... Vue superbe après l'effort, soit, je me suis tout de même demandé pourquoi je n'avais pas bêtement attendu le bus pour y aller... Malgré ma tentative d'arrêt de fumer, l'effort me coûte, je peux le dire. Je fais de nombreuses pauses qui me font profiter du paysage et je constate que les montagnes n'ont de végétation qu'autour des villages, tout au plus. Il y a de la roche au beige mielleux, qui semble être polie tant elle scintille sous les rayons du soleil. Celui-ci disparaît tôt, se cachant derrière les cimes déjà blanches.
Le ciel est d'un bleu vif, clinquant.
C'est magnifique mais je ne devrais pas trop traîner avant d'arriver à mon but, qui semble chaque fois plus loin, plus haut.

Enfin arrivée au bout de la pente, je dois d'abord traverser le village, charmant, aux maisons de bois avec sculptures incrustées autour des portes et fenêtres. Les bestiaux se trouvent au rez-de-chaussée et la famille à l'étage, se nichant, le plus souvent, dans la même pièce. Alors que je déambule sur l'unique chemin du bas-village, je m'étonne de la simplicité dans laquelle ces gens vivent. J'ai l'impression de sauter de quelques générations pour ne pas m'exprimer en siècles. Quel décalage...
Les personnes que je croise sont bien sympathiques et répondent volontiers à mes saluts. J'ai plaisir à être là, malgré la fatigue et le récent effort, dans cette beauté naturelle et en toute simplicité.

Je finis par atteindre le monastère, situé, évidemment, tout en amont du village. Je me fais orienter vers le bâtiment des femmes et pour ce faire, suis guidée par un garçon, content de s'acquitter de la tâche.
J'y suis accueillie par une moniale qui parle peu anglais mais comprend, avec nos gestes échangés, que je cherche à dormir là pour quelques nuits... Elle ouvre alors la porte d'une pièce qui comporte un lit, un tapis et des fruits qui sèchent pour l'hiver. Une armoire où sont entreposées des photos du Dalaï Lama, trône dans un coin. Je m'en vais prendre le lit et la moniale dormira par terre, malgré mes oppositions. Elle insiste et rien n'y fera.



Pour venir au monastère, je me suis auparavant munie de quelques provisions pour mon séjour. J'ai acheté du riz, des lentilles (dhal) et quelques légumes. Je les amène au garde-manger où j'y rencontre un vieux monsieur, probablement le garant de l'économat. Assis, dans le noir, le long d'un mur, il se trouve dans une pièce où chauffe, en son milieu, un petit four à bois. Il y a des denrées en tous genres, que je découvre empilées ça et là. Je dépose à tâtons mon paquet dans un coin, qu'indique le geste vague du vieux moine. Je le quitte, comme je l'ai trouvé et une drôle d'impresion m'habite alors. J'ai comme le sentiment d'avoir vécu un moment d'immobilité ou d'éternité. Me demandant ce qu'il fait là, assis, seul, dans cette pièce? Rien? Et après, lorsque je serais partie depuis longtemps, il fera quoi? Sera-t-il toujours assis là, dans la même position? Pense-t-il à quelque chose ou, est-il, seulement?

Combien de fois en Asie, aurais-je vu des gens ne rien faire, en plein milieu de la journée, de la nuit, n'importe où, sur la route, assis par terre, sous un arbre, devant chez eux, au bistrot. Partout. Quel contraste avec notre monde de fou, j'ai envie de dire, où il faut prendre rendez-vous des semaines à l'avance avant de se rencontrer.
Est-ce que j'ai envie de vivre comme ça? Stressée la plupart du temps, indisponible à mes propres besoins, mes envies, aux autres, à la spontanéité. Ici, les gens prennent le temps et j'aime ça, c'est mon luxe.

Après une brève ballade de reconnaissance dans l'est du village, je dors merveilleusement bien, me réveille en pleine nuit et profite alors d'un ciel superbe, noir, au-dessus de ces lieux reculés, où brillent 1000 étoiles argentées.

31 octobre 2006

Changement de plan et découverte de Khanum Gompa

Je me rends à Rekong Peo, de l'autre côté de la vallée, à quelques heures de route, tout de même. Je prends le bus très tôt le matin, emmitouflée sous toutes les couches possibles, comme la plupart des passagers, attendant sur le bitume. Ca se balance d'une jambe à l'autre, en fumant un bidi ou en sirotant un chai fumant, tentant de tromper le froid.




La route, en descendant, est aussi impressionnante qu'à l'aller. Le bus s'arrête auprès d'un tout petit temple, une maisonnette en réalité, où flotte un drapeau rouge. Un vieil homme vêtu seulement d'un loongi blanc (tissu de coton, noué à la taille), un saddhu, en sort et se précipite dans le bus. Alors qu'il est 6h30 du matin, par un froid glacial, cet homme déambule quasi nu, pour venir nous donner des offrandes... Elles se composent de boulettes de sucre, d'abricots sechés et d'amandes. Tout le monde y a droit. Puis un bâton d'encens est allumé et manquera nous étouffer pour une partie du trajet (mais au fond, c'est cela que j'aime ici aussi). Le tout nous est présenté en échange d'une obole. Etant donné la profondeur du précipice qui borde la route, je ne lésine pas sur le prix...

Lorsque je rejoins Rekong Peo, je décide avant toute chose, de me poser afin de boire un chai et de réflechir à la suite des opérations. Je ne sais pas où j'irais ensuite. Depuis mon dernier voyage dans le haut Himalaya, j'ai fort envie de visiter la Spiti Valley, réputée fort belle. Je ne suis en revanche pas sûre de pouvoir encore y accéder. La route risque d'être bouchée par la neige. Alors donc que j'attends l'ouverture de l'Office du tourisme qui pourra me donner ces informations et le permis dont j'aurais besoin, si je m'oriente dans cette direction, j'observe la rue et son spectacle incessant.

Mon regard est tout de suite attiré par un saddhu, vêtu de noir. Il doit certainement faire partie de la communauté des Ayapas. Il marche avec un trident dans une main et un petit chauderon dans l'autre, d'où émane une épaisse fumée. Un turban lui entoure la tête et il déambule ainsi, le long de la route principale. J'adore ces décalages entre l'ici et le chez nous. J'imagine le personnage Place St-François (pour les non-initiés, prenez la Place Vendôme, où, pour sûr il ne doit pas, non plus, en circuler beaucoup des comme ça...) et je pense qu'il ne ferait pas vieux, comme on dit chez nous, avant d'être enfermé en Hôpital psychiatrique.

Les magasins s'ouvrent, les stores grincent de ce bruit si typique, métallique. La musique des divers transistors jaillit çi et là. Les gamins vêtus de bordeau et beige, se chamaillent sur le chemin de l'école. Les montagnes entourantes sont blanches de neige. L'air est pur. Le chai est bon. C'est une belle matinée qui commence.




Après mes 2 chais, il aura été difficile de localiser le bureau. On m'envoie d'abord dans un grand et austère bâtiment. Il y a de nombreuses portes, toutes fermées ou entre-ouvertes. Je ne vois personne et entends pourtant des murmures. Une bien étrange atmosphère émane de ces lieux, comme dans tous les bureaux de fonctionnaires que j'ai visités en Inde. On dirait qu'un chantier est en cours perpétuel ou que le temps s'est arrêté. Je finis par trouver quelqu'un qui me dit que je dois d'abord aller au-dit Office du tourisme, qui ne se trouve absolument pas à l'endroit indiqué, afin d'obtenir le formulaire du permis.

Bien. Je m'y rends donc et attends l'ouverture du bureau. Les stores des boutiques alentours s'ouvrent, en grinçant toujours. Je prends mon mal en patience, ce qui est devenu une habitude ici. J'en profite pour regarder les alentours, je profite, simplement.

Je suis finalement reçue par un charmant monsieur m'annonçant, qu'effectivement, la route pour Kaza est encore ouverte. Cela change tout. Alors que je pensais visiter les environs et surtout Kalpa en amont, avant de revenir par étapes sur Delhi, voilà que je peux emprunter cette route rêvée et me rendre à Spiti. Fantastique. Je remplis le formulaire, dois cependant attendre l'ouverture d'un autre bureau, afin qu'ils (oui, ils seront deux pour cette démarche) prennent ma photo par webcam, cela me surprend (dans ce coin reculé) et me fait penser que, décidément, tout change partout!!! Je les entends encore, alors que j'ai le regard ébahi par l'étalage de toute cette technologie : "Mettez-vous plus à gauche, plus bas, moins haut la tête..."

Cette étape franchie, il me faut encore faire signer le précieux permis par le manager en chef de la section des touristes, ou quelque chose comme ça, malheureusement en pause-déjeuner... (C'est fait exprès? Non mais parce que des fois, le voyageur moyen en vient à se poser la question!). Pendant ce léger contre-temps, je rencontre alors un allemand, exilé à Vienne, spécialiste de tibétain ancien, qui fait également une demande de permis. Nous allons manger en attendant le retour du chef.

L'allemand visite des monastères et filme (ou photographie) les textes sacrés qui couvrent les parois, en se collant à 2 cms des symboles. Il les retranscrits ensuite chez lui. Je suis fascinée par la passion qui anime cet homme depuis 20 ans maintenant. Il traduit ces textes et travaille dessus mais sans, pour autant, être bouddhiste. Il est touchant avec ces airs d'intellectuel, quelque peu coincé, dans son look vieux garçon.
Il me donne quelques plans sur la région et me parle de Khanum Gompa, situé à deux heures de route. Je décide alors que cela sera ma prochaine étape et finis par sauter dans un bus dont l'allemand a réussi à déchiffrer le nom en hindi. Le doigt levé, je le vois suivre et decrypter les signes. Ses lèvres murmurent alors les syllabes lentement reconnues. Son visage s'éclaire et il me confirme, tout fier en m'encourageant par un sourire , la bonne destination. Pendant ce temps, j'avais pris part, bien malgré moi, à la cohue régnante, m'embarquant dans le bus.

A ce moment-là, effectivement, en général, j'éprouve un peu d'appréhension. Comme à chaque fois que je m'en vais d'un endroit pour en découvir un autre...
Je grimpe donc dans le mastodonde, déjà bondé, parviens à me faufiler à l'avant et m'assieds sur mon sac (que j'adore décidément car de toutes les parties), entre le conducteur et un passager. Le spectacle de la route est bien excitant et mes appréhensions s'en voient vite envolées.

28 octobre 2006

Chitkul - Kinnaur Kailash


Vue sur le Kinnaur Kailash


Je continue la découverte de la vallée en montant jusqu'à Chitkul, où il fait carrément très froid! 3500m donc... et cependant, cela en vaut la peine. La vue sur le Kinnaur Kailash, qui culmine autour des 6000m, est grandiose. La végétation se fait de plus en plus rare. Elle se résume maintenant à des buissons brunissant et des sapins, droits comme des i, plantés sur des flancs, pourtant bien escarpés. Ceux-ci me séparent des montagnes de l'Uttaranchal Pradesh. Il y aurait moyen de faire un trek mais je suis un peu tard dans la saison et pas équipée, puisque je n'avais pas spécialement prévu de venir en haute montagne...

L'air est ravigotant, le chai prend ici tout son sens mais enfin, dès que le soleil s'en va, il ne m'est plus possible de traîner dehors! Je n'aime décidément pas le froid. Je passe la soirée en compagnie d'israéliens, seuls touristes du coin. Ils se connaissent déjà et se sont retrouvés ici par hasard! Au chemin du bout du monde, pourtant... Cela me rappelle qu'il n'est pas si grand que cela notre monde, comme la suite des aventures vous le dira!

Le lendemain matin, je décide de redescendre en marchant sur Sangla. Alors que je m'apprête à partir, je vois de belles demoiselles, toutes de vert vêtues, passer non loin de moi. Elles ont de longues nattes noires dans le dos, m'0bservent et murmurent entres elles. Je finis par leur dire Bonjour, en leur demandant ce qu'elles font là. Ce sont 4 soeurs, venues d'un village situé dans la vallée de Sutlej, afin d'assister au mariage de leur frère. Je suis de suite invitée aux festivités.

Nous montons en ammont du village, je passe à côté de vieux temples en bois, aux fines sculptures murales. Nous atteignons enfin la maison où les épousailles ont eu lieu. Les festivités sont toutefois loin d'être finies, semblerait-il. Il y a une foule hétéroclite, comprenant également des cochons, chèvres et autres chiens, errant gaiement dans le coin, à la recherche de restes. Ils évitent habilement les cadavres de bouteilles, parfois encore dans la main d'un homme encore ivre, endormi. J'ai l'impression d'être dans un film. Il n'est que 8h30 du matin...

Le grand jardin fait office de cuisine, "salle à manger", SAS de récupération pour certains, aire de jeux pour d'autres, un lieu de rencontre quoi qu'il en soit. Une humeur bonne enfant règne, malgré les forts relents d'alcool qui filtrent. Le jardin est recouvert de drapeaux aux couleurs gaies, flottant au vent. Une épaisse fumée embaume l'air, donnant un charme certain à ce cadre déjà pittoresque. Il faut s'imaginer de vieilles maisons en bois, avec des toits en ferraille, arrondis en leur extrêmités. Les hauts pics blancs entourent le village et enfin la vallée s'étire au long, dans son aridité.

Le spectacle reste incessant. Commence alors le déjeuner, qui voit les épaves, femmes et invités divers se rassembler, s'asseyant par terre afin d'être servis. Un nombre incalculable de légumes, grains de riz, dhal et chapatis seront apprêtés durant les festivités. Pour ce faire, de gros chauderons fumant, bouent dans un coin, sur des âtres improvisés. Un groupe de femmes s'occupent de brasser le mélange épais, sorte de soupe aux pois chiches et de le servir sur des coupelles, faites de feuilles séchées. D'autres amènent les chapatis. Elles les portent, en longue empilade, sur une large assiette en aluminum. Certaines encore passent avec un grand récipient, servant du chai chaud à qui veut.

Je suis amenée à connaître la moitié de l'assemblée dès mon arrivée. Les soeurs m'entraìnant dans une miryade de pièces, me présentant tout un chacun et enfin le marié. Je reçois un collier fait d'amandes, qui s'avèrera être fort apprécié lors de ma marche ultérieure! Quelle aubaine!

Je ne vois pas l'épouse. Ici, c'est un peu différent, comme qui dirait. Alors que chez nous, ce jour, LE jour sensé être le plus important pour toute bonne femme, adepte des contes de fées qui se respecte, nous ne faisons que nous montrer, nous sommes la reine de la journée. Ici, les nouvelles mariées passent inaperçues ou presque, du moins lors des moments en public. On voit le mari sous toutes les coutures, souvent arborant un beau cheval blanc (et je ne plaisante pas...). Il conduit un cortège d'hommes, animés par un orchestre souvent délirant, une fanfare à voir. Les musiciens portent des costumes qui me rappellent ceux du cirque. Les épaulettes sont larges, amidonnées, un brin tombantes. Les pantalons, bouffants, se portent sur des bottes rigides. Ils ont un air désuet que le bouton pendouillant ou les traces de saleté tenaces accentuent et rendent attendrissant. Ils battent des rythmes fous, faisant penser aux airs des tziganes de l'est, du folklore grec et proche orient. J'adore. Pour peu, je me croirais au fin fond du Péloponèse, lorsque gamines, nous allions dans le village de ma mère pour fêter le Paniyiri. Les clarinettes aux sons stridents m'étourdissaient alors.

Les hommes entourant l'époux, se déchaînent et dansent en bougeant habilement des hanches. Ca saute comme des cabris. Il n'y a pas une seule femme dans l'assemblée, elles suivent à l'arrière, entourant la mariée, dont on ne voit pas le visage, cachée par un voile. Elle restera quasi absente tout le temps des épousailles, du moins celles que l'on peut voir . Elle est dans une chambre, entourée des femmes, se faisant dessiner de beaux motifs aux henné sur les mains et pieds. J'ai l'opportunité de juste croiser son regard avant de quitter cette joyeuse assemblée.

Je descends donc à pied, après cet intermède délirant, prête à parcourir les 20 kilomètres qui me séparent de Sangla. La route est belle, en légère pente, idéale. Les alentours sont calmes, c'est charmant. Après quelques heures de marche toutefois, des nuages menaçants me poussent à finir la course en jeep. Une âme charitable m'aura prise en passant.

23 octobre 2006

Le grand départ en commençant par Sangla


Le voyage cette année durera 6 mois et quelques jours. Il commence par des Ô revoirs sur le quai de gare à Lausanne. J'y laisse mon homme, comme à chaque hiver qui approche. Je suis dévastée, traversée de doutes m'assaillant. Est-ce que je fais bien de partir, de nous imposer ça, pourquoi donc ai-je ce besoin de m'envoler, de rejoindre ces contrées, de m'y laisser vivre, en laissant, à chaque fois, tout ici... J'ai peur mais monte tout de même dans le train lorsqu'il est temps. Je m'assois, presque comme un automate. Mes yeux larment encore et je sens le regard de mes voisines interpellé. J'ai mal et pourtant ce départ semble inexorable. Je me laisse bercer par le roulement du train, je suis un tas pêle-mêle de confusion.

Je retrouve la soeur d'une bonne amie dans le même TGV. Nous passons tout le trajet à discuter, ce qui me distrait de ma tristesse et doutes intérieurs. Nous arrivons à Paris en un rien de temps. J'y passerais la journée, hebergée chez une amie dans un quartier ma foi, fort sympathique, au pied du Sacré-Coeur.

Je m'envole enfin le lendemain pour le sous-continent. N'y suis toutefois pas de suite arrivée:
Le trajet en avion, avec son interminable pause dans les Emirats Arabes Unis (parmi les vols les moins chers... what to do hey?!), me fait errer, l'oeil rougi par la fatigue, l'air conditionné et les émotions récentes, dans un aéroport qui a, je dois le dire, peu de distractions à offrir. Une fois l'inévitable repérage à l'unique Duty free shop du coin accompli, je prends mon mal en patience et finis par embarquer pour le dernier bout avant d'atteindre l'Inde.



Delhi
delhii




La poussière volète, les chiens couratent le long des murs et les sans-abri s'étirent en baillant sur les trottoirs। L'odeur est là, fidèle, dès les 1ers instants, une fois mis le pied hors de l'avion, reconnaissable entre toutes। Elle rassure en fin de compte। Ce mélange ambré de moiteur, de pollution, d'encens, d'huile frite, de sueur, de pisse। Si ça le pouvait, ça serait chaud। C'est entourant, caressant et assaillant, tout à la fois, comme bien des choses ici।Je suis assise dans ce taxi, un sourire m'habite, j'aime être là et je ne me demande pas pourquoi.

Delhi, la tumultueuse. Ses carrefours remplis de voitures en tout genres, mes préférées restant les vieilles ambassadors, camions bariolés, bus bondés, rickshaws zigzaguant, motos déboulantes, ça klaxonne, les moteurs rugissent, la pollution m'étouffe, des scènes de vie défilent, j'ai l'impression que ça ne s'arrête jamais. Ca peut paraître épuisant (ça l'est) et pourtant je me sens complètement réveillée, prête à tout prendre, le moindre détail de la rue, m'apparaissant le temps d'un instant.




Mon rickshaw fait crisser ses pneus et je pare à toute cette agitation en mettant mon MP3 sur les oreilles, délice du voyageur (finies les heures d'hésitations entre les d'abord : 1। k7 2. cds 3. mini-discs qui finissent tous par : 1. avoir un son gondolant 2. se rayer 3. sauter, en pesant lourds surtout!!!) : Toute la musique que j'aime dans un boîtier, plus petit qu'un paquet de cigarettes. Fantastique et si j'en parle, c'est parce que la musique a toujours une place importante dans mes voyages.
Je quitte Delhi après 3 jours pour rejoindre Shimla, une étape, vers ma réelle première destination, la Sangla Valley. Je me hâte car la région se trouve aux alentours des 3500m et, bien que j'aie fait quelques emplettes pour me couvrir, cela ne sera pas suffisant pour les semaines suivantes, alors que l'hiver sera là. Je circule en bus local. La musique braille des hauts-parleurs : ce sont des rythmes endiablés, des voix suraigues de femmes qui semblent mourir d'amour et celle d'hommes, qui se lamentent de l'avoir perdu. Le paysage défile joyeusement sous mes yeux. Les collines d'abord vertes s'assèchent peu à peu, alors que le bus serpente sur des routes qui deviennent de plus en plus étroites. Nous finissons par nous enfoncer dans une vallée que de hautes falaises bordent. Au milieu, coule une rivière qui semble se déchaîner. On croise des villages qui s'organisent autour de la route, comme souvent ici. Les habitants portent le fameux petit chapeau de l'Himachal Pradesh, fait de feutrine grise avec un revers de velours vert. Chaque vallée revêt le sien et permet ainsi de se distinguer.






Le dernier bout de route, nous voit entrer dans la Sangla Valley en fin de journée. Je vais presque au bout de la route, au village qui porte le même nom. Une longue et étroite route gravira le flanc de la montagne avec des vues plongeantes sur le précipice, ma fois, bien profond. Le conducteur du bus a l'air amusé par mon regard, quelque peu apeuré en voyant les virages, semblant nous jeter dans le vide, qu'il doit négocier. C'est impressionnant.

J'arrive au village alors qu'il fait nuit et ... froid, je confirme!!!
Au lendemain, je découvre les lieux et c'est un fort joli coin que voilà. Sangla se trouve au centre de la vallée et d'imposantes montagnes l'entourent. En observant mieux, je parviens à repérer d'autres hameaux, éparpillés dans d'improbables endroits. Les sommets sont recouverts de neige, d'une blancheur étincelante sous ce ciel dont le bleu s'intensifie au gré de l'altitude.

Il y a une route qui mène et s'arrête à Chitkul, où je me rendrais quelques jours plus jours tard, à une vingtaine de kms en amont. Mais il y a surtout les sentiers faits de pierre, en contre-bas du village et de la dite-route, qui me font découvrir de manière bucolique les environs. Les maisons sont faites de bois, aux toits originaux, en fer et un peu bombés. Une campagne superbe les entoure, aux champs variés, malgré l'altitude. Les couleurs sont ici aussi automnales, superbes de leur éclatants rouges, bruns, jaunes et autres verts. Les boeufs paissent tranquillement dans les prés, les enfants jouent avec leur cerf-volants et la rumeur de la rivière ne parvient pas à masquer le cri des aigles.

Sangla - संगला

En attendant le départ pour Chitkul - चित्कुल

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