14 avril 2007

Agonda et Arrambol - derniers jours

Je suis face à la mer. J'entends la rumeur des vagues. La marée est montante. La lune est à son apogée et l'eau semble maintenant rugir en s'écrasant. Il y a une brise bienfaitrice qui fait bruisser les feuilles de cocotiers. Et la flûte enchantée de Sujay Bobade s'envole. Je suis arrivée hier, j'ai dormi tout le trajet pour atteindre Goa, un gars a dû m'avertir qu'on était au terminus (heureusement que le train n'allait pas plus loin!). Je partage un taxi avec 2 natifs d'Andorre, en direction du sud et descends dès que je vois un signe pour Agonda. A la jonction, j'apprends qu'il n'y a pas de bus pour y aller. Ils passent par une autre route. Zut. 9 kms en plein cagnard (car il fait chaud, lourd et moite. Le ciel est gris clair, chargé mais la lumière du soleil apparaît toujours. Etrange).
Une moto est arrêtée, un jeune indien à son guidon, propose de m'y emmener. Ok. Il prend soin de ne pas foncer sur la route, elle, bien défoncée!

J'atteins Agonda et trouve une super chambre. Un petit jardin y fait face. Il n'y a personne d'autre (touriste) que moi et quelques membres de la famille.
De suite, je m'y sens bien.
Les après-midi sont redoutables, je reste alors sur la petite terrasse attenante à ma chambre et écoute de la musique. Je fais jouer Gershwin en me prélassant.
Je mange tous les jours chez Fatma qui proposent ses fameux thalis : Aujourd'hui, riz, dhal, carottes au beurre, mélange épicé aux carottes, chou fleur, haricots, haricots aux noix de cachou, bout de pommes de terre au cumin. Tout ceci pour 35 roupies : 1.- Je me gave tous les jours. Les fruits sont superbes. L'ananas est juteux, sucré, goûtu; les bananes sont moëlleuses, parfumées, étonnantes; la papaye enfin apporte une touche fleurie, une belle couleur orangée et une texture veloutée.

Je lis un bouquin d'Alexandra David-Neil, lorsqu'elle visite le Tibet clandestinement, à pied et dans les années 20! Sa manière de voyager est inspirante, étonnante. J'ai l'impression de bourlinguer comme si je faisais partie d'un groupe organisé!

Je passe mes matinées à la plage, profitant des rayons avant qu'ils ne deviennent trop forts. Un jour, 2 hommes viennent à moi et déposent à mes côtés 2 étoiles. Ca ressemble à des oursins mais c'est brun et se trouve être un végétal qui a séché. Les 2 hommes s'en vont comme ils sont venus. Je garde les étoiles, j'aimerais les filmer s'en allant au gré du vent.
Le destin en décide autrement car les voilà déguerpissant plus tôt que prévu. Je ne tente pas de les retenir. Je les regarde avancer, par à-coups sur le sable.





Je croise un copain de Patnem qui m'emmène un jour à Capo de Rama, une belle plage plus au nord. Nous y allons en Entfield, ces vieilles motos pétaradantes. Les environs sont magnifiques, les arbres sont en fruits : les mangues pendent par grappes, les noix de cachou sont collectées et les bananes sont belles jaunes.

Je quitte Agonda et rejoint Arrambol, tout au nord de Goa. Il reste une semaine.
Je croise par hasard Alex, avec ses copines, au marché du samedi soir de Baga. Quel cirque! On en a l'habitude ici en Inde mais là c'est celui du blanc, du riche. Il y a des bars à cocktails partout, de la techno criarde et les prix des produits proposés à prix carrément européens. Les gens qui sont sur le marché ont l'air d'être venus en vol charter pour 2 semaines et ne semblent pas tant avoir une idée des prix, claquant à ne plus savoir qu'en faire. Bref, une sorte de retour télescopé dans notre monde avant l'heure...
Avec Alex, nous nous racontons depuis et prévoyons de nous revoir cette semaine encore. Ils loueront une voiture et viendront sur Arrambol. Sinon, j'ai des fringales comme jamais. Depuis que je suis guérie, je suis tellement contente de pouvoir remanger (et surtout reseller comme il faut) que je n'arrête pas : tartelettes au choco, croissant au beurre, brownie et enfin souvlaki au poulet (1ère viande depuis que je suis arrivée), je profite de tout ce que ce marché peut m'offrir.

Demain, je me rendrais à Pernem afin de prendre mon dernier train pour ce voyage.
J'éprouverais plein de sentiments particuliers en regardant défiler ces paysages des tropiques. Je serais sûrement émue à un moment donné. J'aurais des images du voyage plein la tête, surgissantes, puis une boule au ventre.

Je me poserais ensuite le long du du quai, à quelques mètres du poste de gare. Petite batisse rose. Je m'y asseyerais donc en goûtant aux dernières odeurs du sud. Puis le train arrivera dans un sifflement, comme toujours et je prendrais place dans ma couchette du haut. Je commanderais un thali au gars qui s'occupe de ça et finira bien par passer. Puis je tâcherais de m'endormir, sans grande conviction. Dans la nuit, bercée par le cliquetis du train, je serais entourée des odeurs qui sont exaltées par la chaleur de la journée et se relâchent, comme tout le monde, le soir, quand enfin, la fraîcheur reprend place.

Je trouverais difficilement le sommeil et arriverais chiffonnée à Mumbai. L'instinct de survie sera le plus fort et je marcherais jusqu'à l'arrêt de bus. Je monterais dans le n°1, si je me souviens bien et descendrais à Collaba. Je rejoindrais l'Apollo guest house, où m'attendent mon sac et une chambre. Les boys seront encore endormis, une longue journée les attend. Je passerais la journée à faire les derniers achats, les cadeaux et enfin à ranger tout cela dans mes sacs.
Un taxi m'emmènera jusqu'à l'aéroport, où un long trajet me ramènera en Suisse, ponctué d'attentes interminables.
Je lirais Shantaram, énorme pavé d'un homme aimant l'Inde. J'aurais l'impression d'y être encore un peu ainsi.



01 avril 2007

Delhi avant le sud, pour une dernière fois...

J'arrive à Delhi en milieu de journée. Il fait chaud, ici bas. Un ami m'envoie chez un médecin dès qu'il me voit et me retrouve à nouveau sous antibiotiques. J'ai des "bugs" (puces...) dans le ventre, ma fois, sympathique. Je passe le reste de la journée à écouter des musiciens, dont une chanteuse venue du Honduras à la voix sublime, un chanteur de musique classique indienne qui fait vibrer ses cordes et son corps, superbe. Ca me fait du bien à l'âme.

Alors que je passe ma dernière nuit sur Delhi, Lionel me propose de rendre visite à 2 de ses amis pakistanais, percussionnistes. Nous débarquons dans un hotel 5 étoiles, bien loin des Shiva lodge et autres Ganesh paying guest house, où j'ai l'habitude de "descendre"... Je me sens tout-à-fait décalée dans cette ambiance surfaite, bien loin de la réalité que j'ai cotoyée ces derniers mois.

Puis je rencontre les musiciens. L'un est immense, il en impose, massif comme il est. Il porte une longue kurta (tunique) et à son cou pendent de gros colliers de perles. Il a les cheveux mi-longs, brillants et qui ondulent. Il a un regard qui respire l'amour. Un problème de surdité l'accompagne mais ne l'empêche absolument pas de jouer à la perfection de son instrument.
Et leur instrument, j'y viens. Ce sont de gros "barils" en bois. Aux extrêmités, là où ils tapent, il n'y a pas de peaux mais du plastique, ca résonne mieux.
Il y a des ficelles de couleurs qui en pendent. Une grande lanière soutient la percussion lorsqu'ils jouent debouts, fiers, sublimes.

Le 2ème comparse est grand aussi, plus fin. Il se dégage d'eux un mélange subtil d'assurance, de grâce et d'élégance naturelles. C'en est troublant.

Ils commencent ensuite à jouer, assis dans leur chambre d'hotel. Il y a là Lionel qui les accompagne au début (du moins) au Saaz. Sandip est là également, un ami de Lionel, musicien électronique de son état, il est marrant, me faisant, étrangement penser à Woody Allen, heureusement pas par son physique... Et enfin Suchet, qui m'a envoyée chez le médecin il y a 3 jours. Il a un peu le rôle, ce soir de l'organisateur : il fait venir des plateaux de fruits, de l'eau et même une assiette de dessert, venue tout droit du buffet, s'il vous plaît, avec mousse au chocolat. Bliss after sooooooooooooo long.

Les tambours se mettent à sonner, à résonner, à emplir la pièce. On entend qu'eux. Des rythmes qui jaillissent, nets, secs, clinquants. Ils enivrent, font que l'on se sent libre, gai, bien. Les regards que les musiciens échangent sont à observer. Ils sont heureux. Ils écoutent. Ce sont des joueurs de dhargas, sortes de prières qui ont lieu dans des mausolées généralement. Ils jouent pour Dieu, leur musique n'est pas un divertissement, comme on a tendance à la vivre chez nous. Cela s'entend, il a quelque chose de miraculeux dans ces rythmes et ces hommes.
Ils sont, vivent, respirent le rythme.
Une onde d'énergie qui m'emplit. Je suis sous le choc.

Puis, on sent bien que le 1er des 2 percussionnistes, le plus grand, souhaiterait aller jouer ailleurs, dehors, là où il pourrait taper vraiment. Ca le démange, il semble ne jamais vouloir s'arrêter. Lionel, Suchet et Sandip se mettent alors à chercher un endroit. Ca devient une de ces scènes typique que je vis ici, en Inde. Chacun y va de son idée, en trouvant celle de son voisin meilleure. Le lieu du concert privé prendra donc quelques temps avant d'être établi et en attendant, notre grand ami en profite pour se changer. Il met une belle kurta pour l'occasion. L'autre continue à jouer, il est dedans.

Ce doit être rigolo de nous voir traverser le hall de l'hôtel : 2 blancs au look douteux, 2 pakistanais immenses transportant leurs énormes instruments à l'épaule et enfin Suchet et Sandip, l'un l'oreille collée à son portable, tel un impresario occupé et l'autre, visiblement gêné dans ses murs : Woody Allen j'vous dis!!!
Nous nous enfilons tous dans l'Ambassador de Lionel et partons en expédition. Nous roulons dans Delhi de nuit. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est et je m'en fous. J'ai bien conscience de vivre une soirée très particulière.

La lune est quasi pleine. Elle éclaire alors le spot où nous nous dirigions. Un mausolée. Il est d'une forme octogonale. En son milieu, en bas d'escaliers, le lieu de prières, où brûlent des bougies. Les murs, colonnes et autres portes composant l'édifice se dessinent sous la lueur de la lune. Il y a quelques inscriptions en arabe et des toits en terrasse. Nous voyons au loin les lumières orangées de la ville. C'est calme, la rumeur des rues se fait lointaine. Parfait pour nos amis pakistanais.

Ils jouent à présent debouts. Ils tapent fort. C'est incroyable à entendre, à sentir, à voir, à vivre. Je n'en dormirai pas de la nuit.
Je suis invitée quand je veux au Pakistan et n'ai donc pas manqué de leur faire savoir, que justement, je souhaiterais y aller en octobre, à l'occasion de ce grand festival, rassemblant les suffis (dont ils font partie).
Suite à cette soirée, j'aurais reçus plusieurs emails de mes amis de Delhi, me demandant si je sens encore battre les rythmes fous dans mon coeur.

La magie du voyage, une rencontre extraordinaire à Kalamaki - Part 7 Roadtrip

 To go with the flow... Je prends la route de bon matin et continue de longer la côte qui devient de plus en plus construite en remontant en...

Les articles les plus lus!