23 février 2007

Long Island

Notre petit groupe se composant de 7 personnes quitte donc Neil le jour de la St-Valentin. Embarcation sur un bateau qui ralie différentes îles avant d'atteindre notre but. La traversée est belle, je vois plusieurs serpents de mer onduler jusqu'à la surface de l'eau, pour replonger de suite dans les profondeurs. Dans la bonne humeur, nous débarquons sur les rives de Long island.
Nous prévoyons de rester 10 jours. Il s'agit donc de faire les achats pour le ravitaillement car là où nous allons, il n'y aura pas de magasins, rien. Nous nous pressons à travers les quelques échoppes du village qui pourvoyeront à nos besoins (élémentaires, il faut le dire...).

Etant donné l'heure déjà avancée en cette fin d'après-midi, nous jugeons plus sage de rester aux alentours du village pour cette nuit. Il semblerait, en effet, qu'une marche de 2 heures au moins nous attende avant de rejoindre la plage de notre futur lieu de vie. C'est décidé, ce soir, nous camperons à 2kms de là, le long de la côte. Les indiens nous regardent passer, amusés de voir ce groupe de blancs, au look parfois douteux, se mouvoir en masse, des sacs plein les bras. Nous atteignons une jolie plage qui nous offre le spectacle d'un superbe coucher de soleil.

Jetée à l'eau salvatrice.




Nous étalons nos affaires, sortons les sacs de couchage et autres hamacs, cherchons du bois, bref, nous préparons cette 1ère soirée "à la belle étoile".

Je me souviens de cette scène, Alex et moi regardant cet épais et noir nuage au large, pensant que si nous avions été en Suisse, il ne manquerait pas "nous tomber dessus". Ricanant à cette idée qui semble bien loin de nous, il était alors difficile d'imaginer qu'une dramatique et efficace pluie allait s'abattre sur nous quelques minutes plus tard. Aucun arbre ou quelque autre abri ne peut nous protéger. La pluie est trop drue. En un rien de temps, toutes nos affaires, bêtement sorties trop tôt, s'en voient trempées. Cela semble surnaturel, spécialement à cette saison. Nous prenons notre mal en patience, que faire d'autre, et commençons à avoir sérieusement froid. Je fais également face à un autre démon intérieur: ma phobie des serpents, qui, comme tout le monde le sait, sortent par temps de pluie. Nous nous trouvons sur une plage, certes, mais néanmoins bordée d'une jungle dense, imposante, sûrement pleine de ces rampantes bêtes... Il n'en sera rien, heureusement, rien. Une fois que la pluie cesse, nous prenons le chemin du retour, affaires sous le bras et bravons la marée montante avant de rejoindre le village. Les indiens ne cachent plus leurs rires en nous voyant défiler en sens inverse, toutes nippes pendouillantes et dégoulinantes.



Retour au village, trempés!


Heureusement, une échoppe cuisine encore et nous voilà tous assis, en rang d'oignons, avalant goulûment un thali. Cela fait à peine 3 heures que nous sommes arrivés et déjà la liste des aventures est longue!

Nous trouverons refuge pour la nuit sous le préau d'un chaishop, son propriétaire nous laissant place sur le bitume. Ce sera drôle à voir: 11 voyageurs (nous avons été rejoints par 4 autres touristes débarqués aujourd'hui qui se trouvaient dans la même situation que nous), tous alignés comme des sardines, couchant dans nos sacs à moitié secs... Une vague partie de poker s'organise, puis chacun s'installe dans la nuit alors que les sons arabisants d'une flûte de bambou nous berce. Un brin de douceur, ma fois, bienvenu après cette rude entrée en matière.

Le réveil sera dur, comme la nuit, comme le sol: Le magasin d'à-côté ouvre ses portes à 4h30 du matin (!?), en faisant sonner une musique forte et saturée. J'ai essayé de faire abstraction en tentant de me rendormir. L'exercice s'est avéré nul.

Et la journée est loin d'être terminée...

Je ne trouve plus mon haut de costume de bain. J'ai dû le perdre dans le noir hier, alors qu'il fallait ranger en toute hâte. Voilà qui est bien embêtant. Je n'en ai point d'autre et me promener sans en porter un n'est pas la meilleure des choses à faire en Inde. Le port du bikini est déjà en soi, mal vu, alors les seins nus... Me voilà rebroussant chemin, à la recherche de ce petit bout de tissu et imaginant quelque subterfuge adopter en cas de perte définitive (on m'a conseillé les noix de coco, des feuiles de palmiers tressées et enfin les seins nus, pour ce que j'ai à cacher... Pourvu que je retrouve ce damné haut!). J'imagine le pire, la marée emportant au loin ce petit rien qui fait toute la différence. Puis, heureusement, je parviens à remettre la main dessus, à l'endroit même où mon sac gisait.

Il est 7h30 du matin lorsque nous prenons le chemin de Lalaji beach, la plage qui accueillera notre campement. Chargés commes des mules, la face chiffonnée et le corps courbaturé après cette nuit mouvementée, nous partons d'un bon pas en direction de ce qui me semblait être le nord. De bonne humeur et ravis de vivre une nouvelle aventure, nous voici traversant les derniers champs avant de nous enfoncer dans la jungle.



Très vite le groupe se démantèle, chacun allant à son rythme. Je me retrouve en compagnie de Jez, l'un des 2 anglais (heureusement que l'on s'avèrera être à 2 d'ailleurs!). L'itinéraire que l'on nous a donné était pourtant simple: "Tout droit, puis à gauche en arrivant à la mer".

Une fois dans la forêt, une multitude de chemins la traversent et s'offrent à nous. Aucun ne semble aller droit devant. C'est loin de ce que j'avais d'abordimaginé : une sorte de sentier, clair et net, comme les nôtres dans les forêts. Non, ici, plus nous avançons, plus nous doutons. Déboussolés et n'ayant absolument aucune idée de la bonne direction à suivre, nous devinons la route et nous fions à notre instinct. Ceci, chargés de sacs contenant les provisions pour ces 10 prochains jours, ainsi que le minimum matériel vital mais néanmoins utile comme le hamac et le sac de couchage. Mouillés, ils pèsent encore plus lourds. J'ai laissé derrière moi la moustiquaire.
Cette marche est intense, il fait chaud, on ne sait pas où l'on va et encore moins où sont les autres. Quelque peu flippant, certes, mais quelle autre option que de continuer.



Il est 9h.

Je suis trempée de sueur au point que j'en essorerai mon t-shirt à l'arrivée.

Il aura ensuite une odeur que je ne me suis jamais sentie...

En marchant, nous retrouvons 3 autres comparses au milieu de la jungle. Il nous faudra encore une bonne heure avant d'atteindre enfin la plage. Lalaji.

Heureusement, elle est BEA beaaaaaaaaaaaaautiful!!!

Bordée de grands arbres, où s'emmêlent lianes et branches.




Nous trouvons un endroit pour camper. Il y a déjà un abri pour le feu, il nous faut juste déblayer le sol des feuilles mortes, afin de voir où nous posons les pieds. Chacun implante son hamac, son espace. Les autres du groupes finissent par arriver quelques 2h plus tard... Un peu furax, il est vrai...
La journée passe vite, en s'attelant à chercher du bois pour le feu et remplissant des bouteilles d'eau claire au puits (enfin claire... il nous a semblé voir un bébé crocodile mort, flotter à la surface, un jour... Et on se félicite d'avoir des Micropur avec soi! (Merci grande!)
Souper convivial, au feu de bois avec un poisson pêché du jour (le seul où on en aura). Les portions sont néanmoins minuscules et chacun se regarde, anxieux, l'oeil avide, se demandant s'il en sera tous les jours ainsi... De fait, j'aurais perdu quelques kgs sur cette plage...

L'ambiance est au beau fixe. Ca rigole, parle, fait du chai, jusqu'à ce que le ciel se transforme en énorme saut d'eau se déversant sur nos têtes. En quelques minutes, tout, absolument tout est mouillé : les hamacs, sacs-à-dos et de couchages, nous. Le feu est sauvé, protégé par des casseroles, et nous au-dessus, ce qui permettra de vaguement sécher le minimum nécessaire, une fois l'accalmie arrivée. Il nous faudra attendre une bonne heure pour cela. Dur pour le moral après la nuit précédente qui a déjà pas mal atteint le capital fatigue. Je ressens un doute, est-ce qu'il va en être ainsi tous les jours? Ca ne sera pas supportable longtemps, c'est sûr. On était pas si mal à Neil island. Bref, des pensées entamant quelque peu mon enthousiasme passent par mon esprit (et je ne dois pas être la seule, au vu de certains regards échangés. Chacun est nénamoins dans sa bulle, supportant, subissant cette pluie qui nous refroidit).

Elle cesse enfin, nous laissant morts d'épuisement. L'on prend sur soi, tout le monde se tait et s'apprête pour la nuit. Je m'endors de suite, à même le sol, à côté du feu, sans même une seule pensée pour les éventuels cobras hyper vénimeux qui pourraient rôder dans les parages. Je suis bien trop fatiguée pour cela...

Le lendemain, TOUT va beaucoup mieux, il fait grand soleil comme si la nuit passée n'avait été qu'un cauchemar. Nous construisons néanmoins un abri de fortune pour parer à une potentielle autre pluie (qui, bien entendu, n'arrivera pas). Couper des troncs, des branches, y tailler les épines, ajuster la longueur, coincer le tout entre 2 arbres, traîner sur des mètres, de longues et lourdes branches de cocotiers, qui constitueront la protection (partielle, certes) contre l'eau. Chacun y va de son idée et nous y passerons toute la journée.


Elaboration de l'abri - Lalaji

Une certaine routine s'installe ensuite : il faut chercher du bois, faire le feu, cuisiner, puis faire la vaisselle dans l'eau de mer, vie précaire mais que j'apprécie. Après 5 jours, je décide de prendre une douche. Je me rends donc au puits d'eau claire, qui permet le camping sauvage à cet endroit. Il s'agit de faire preuve d'agilité. En commençant par tirer l'eau à l'aide du saut, remplir la bassine prévue à cet effet et me doucher (en costume de bain, il y a tout de même quelques indiens qui se trouvent par là) et entourée de mon loongi. Il faut être motivée... Je suis perchée sur une pierre plate, utilisée pour que l'on s'y tienne donc, lors de la douche ou pour y frotter sa lessive. Je quitte le puits, entouré d'un champ de cocotiers, en me veillant car les noix tombent régulièrement et autant dire qu'elles pourraient tuer. De plus en plus, notre expérience ressemble à Ko Lanta. Il ne manque plus que la partie où chacun jette la pierre à celui, il y en a toujours un, qui ne fout rien.

Le campement :




La nuit, le ciel est sublime. Il n'y a (bien entendu) pas d'électricité, nous pouvons alors voir des étoiles scintiller par milliers. La voie lactée pointille de sa traînée cotonneuse l'étendue noire. C'est de toute beauté. Sur le hamac, j'isole mon dos avec des couches de loongis car le vent souffle et me refroidit. Puis, au cours des heures, la marée monte jusque sous ma couche. C'est bruyant mais je ne finis par ne plus l'entendre.

Les réveils sont auroraux, la lumière faisant son apparition dès 5 heures du matin. C'est le moment que les vaches, traînant sur la plage, préfèrent, pour tenter de voler à manger. Elles se sont successivement attaquées à un livre, un sac-à-dos (rongés) et carrément toutes les provisions de nos voisins. Un matin, alors que j'étais la seule éveillée, je vois le troupeau, motivé, se diriger vers le campement des voisins, suisses-allemands, brièvement rencontrés sur Neil island (débrouillards comme pas 2 : ont carrément construits un vaisselier et un abat-jour (!!!) pour illuminer toutes les mains des joueurs de poker (oui, les soirées ont repris ici aussi!). En voulant chasser les ruminants donc, j'ai shooté dans un petit tronc poussant sur le chemin, blessant ainsi violemment mon orteil. Je fais une petite parenthèse sur l'état de mes jambes car les conséquences s'en feront sentir pour quelques semaines encore... De plus, il y a sur la plage des petites bêtes appelées sandflies. Minuscules mouches, quasi invisibles à l'oeil inattentif, qui piquent et donnent ensuite furieusement envie de se gratter. Ce qu'il ne faut évidemment pas faire au risque de se voir parer d'une belle infection... Plusieurs d'entre nous seront touchés (les plaies peinant en effet à cicatriser avec les pieds constamment dans le sable, l'eau salée et, disons-le, souffrant d'un manque d'hygiène régulier...). Un des tchèque, nous l'apprendrons plus tard, s'est retrouvé avec des pieds énormes, ressemblant étrangement à ceux d'un élephant, à force d'avoir trop gratté ses plaies...

Nous quittons l'île et nos compagnons, par petits groupes. La cohabitation aura été sympathique et supportable pour ce temps donné. J'ai surtout béni cette compagnie les 1ers soirs, les plus rudes, ceux de pluies. Je nous aurais bien vus, avec l'Alex qui, disons-le, n'est pas non plus un pro du camping, seuls, sous la pluie ardente, dans le noir, aux portes de la jungle, ruminant sur notre sort, si cela se trouve affamés car incapables de faire un feu (pénible quand cela prend 1/2 heure), paranoïant sur toutes les bestioles potentiellement dangereuses que cette forêt doit forcément abriter, recroquevillés sur nous-mêmes, à la recherche d'un brin de chaleur, préférant pour un temps la solitude et le mutisme avant de finalement se hurler dessus, accusant l'autre de tous les maux, comme des frangins le feraient...

Non, c'est bien qu'on ait été accompagnés pour ces épreuves, je ne suis pas sûre, sans cela, que nos nerfs auraient passés la nuit...
Et donc, chacun reprend son chemin. Jez reste au campement jusqu'au prochain bateau, dans quelques jours. Les suédoises et les tchèques s'en retournent à Port Blair alors que le reste d'entre nous allons sur Havelock, la dernière île des Andamans que je visiterais, ce coup-ci...

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