22 mars 2007

Delhi et départ pour les montagnes

Je quitte Varanasi par train de nuit. Le wagon semble dodeliner, comme les indiens le font de la tête pour dire oui. De temps à autre, j'aperçois des lueurs annonçant de la vie dans ce qui semblait pourtant être le néant. Noir, c'est vraiment noir au dehors. L'ambiance de la nuit, si particulière et que j'aime tant, sur la route. L'esprit n'est pas distrait par les 1001 surprises que réservent ce pays, attirant toujours le regard. Juste moi, mes rêveries et la musique. Cela fait du bien de temps en temps...Et là, passe un gamin en haillons, une balayette à la main. Il nettoie le sol. Maintenant, un vendeur de chai hurlant de la voix nasillarde qu'il semble falloir avoir pour faire ce métier : "chaigarrrrrrrrrram". Tout le monde dort pourtant. Il est 3 heures du matin...

J'atteins les alentours de Delhi en fin de matinée, le wagon est calme. La vieille femme en face de moi s'est allongée sur la banquette, recouverte d'une couverture qui cache son superbe sari kaki. Sa fille est cougnée contre la vitre, envoyant des sms ou semblant rêvasser. Un gars se tient debout près de moi, arrêté dans son élan, comme interpellé par ce que je fais, j'écris une lettre ou peut-être est-ce dû au fait que je le fasse de la main gauche, l'impure? Un autre voisin de compartiment est occupé à manger son plateau repas, commandé à un préposé, passé plus tôt, bloc-notes à la main. Il est donc maintenant occupé à manger et a arrêté de me prendre en photo avec son portable. Non pas que cela me dérange trop (vaut mieux pas ici!) mais c'est un peu lourd, à la longue et le manège aura duré une bonne demi heure. D'autres dorment encore, les chanceux.

En gare de Delhi, lorsque nous arrivons enfin, quelques heures de retard derrière nous, c'est le branle-bas de combat ça descend, ça monte, ça transporte un nombre considérable de sacs. Les porteurs, reconnaissables à leur chemise et bandeau rouges, arpentent le wagon à l'affût du client. Une foule en mouvement tente d'atteindre la sortie. Je ne vois que des têtes et des sacs posés sur elles. La passerelle, nous faisant quitter les quais, bouchonne. C'est un mélange d'ethnies, de styles, de castes, de populations. Un patchwork saisissant, comme si toutes les différentes parties de l'Inde étaient représentées là, sur ce bout de pont.

Je rejoins le calme bienfaiteur de l'appart des amis, qui m'accueillent, comme d'habitude avec grande générosité. J'organise mon imminent départ pour les montagnes de l'Himachal Pradesh (cf carte libellé du même nom). J'hésite brièvement entre 2 destinations et pense tout de même aller à Kirganga, au bout de la Parvati valley. Vue sur les montagnes, sources d'eau chaude dans un coin isolé, vie rustique et authentique : Ca devrait le faire.

Il s'agit donc de se munir de chaussettes, les miennes ayant depuis longtemps disparu, des pastilles pour la gorge, du fer pour reprendre des forces après ma prise d'antibiotiques, une couverture que je porterais comme châle, "à la mode d'ici" pour les soirées froides et enfin la réservation de mon ticket de bus pour me rendre dans la vallée de Kullu. Je courate donc en tous sens à Delhi et le jour de mon départ, me levant tard chez Lionel, je trouve encore le moyen d'aller me faire épiler. Me voici fin prête pour quitter le quartier de Paharganj (celui des touristes, bien situé en face de la gare principale). Sac sur le dos, jeans, baskets et toutes mes affaires chaudes packées, je joins un groupe de touristes, prêt à s'en aller prendre le bus. Il nous faudra 3 heures pour quitter la ville, après de nombreuses haltes.

C'est le grand luxe dans ce bus : Il y a des couchettes 2 places au-dessus des sièges. Il faut rallonger de 200 roupies pour y avoir droit. Le calcul est vite fait : entre la possibilité de :
  • ne pas dormir, être courbaturée, ne jamais trouver la bonne position

et

  • ne pas dormir

Je choisis cette dernière.


Je partage ma couche avec un autrichien qui a vécu 20 en Grèce et s'avérera être un peu... too much for me?! Il parle de cosmos, de connections, d'énergie, me vois comme une déesse musicale??!...
Oui... un de ceux-là.
Sur la couche d'à-côté, se trouvent 2 jeunes israéliens. Elle, vient de se tordre la cheville, plutôt embêtant, juste avant d'aller en montagne... Mais pas trop surprenant, étant donné les chaussures qu'elles porte : ces crocks, je crois que c'est le nom, que tous ses compatriotes mettent aussi. Sorte de gros sabots en plastique avec des trous ronds dessus. Elle voyage depuis un moment en Inde mais ne semble pas particulièrement apprécier les indiens. Il y en a plein des comme ça. Ils restent des mois, reviennent encore mais ne supportent pas les locaux?! Ca paraît absurde et pourtant... Pour en finir avec les voisins de couches, l'israélien, lui, vient de la rejoindre. Il a un sourire scotché, content d'être là et trouve absolument tout "Super". Il semble même halluciner lorsque je réclame son propre change au serveur, qui a visiblement occulté de ses priorités ce menu détail.

Je tente de m'endormir, casque sur les oreilles, musique à fond. Il y a Muse, Depeche Mode, Nine Inch Nails, les fidèles et Shankar, Erkan Ogur ou Dayna Kurtz. J'éprouve subitement l'envie d'écouter Célios, de Gotan Projekt que je regrette de ne pas avoir avec moi. Ca aurait bien été avec mes rêveries du moment. Le casque me permet accessoirement de couper la conversation avec mon voisin l'illuminé.

Longtemps après que le soleil se soit couché, nous quitons Delhi, l'immense. Je suis donc sur une couchette au 1er étage, à l'arrière du bus. La route n'est pas de tout repos. Il y a d'énormes trous qui me projettent en l'air. Difficile de s'endormir ainsi... Puis l'envie d'aller aux toilettes me prends et aucun arrêt en vue. Je vais vers le conducteur, accompagnée de l'israélienne à la cheville foulée. Je découvre le spectacle du trafic : Les lumières des phares, des freins arrières, celles des Ganesh, Shiva, Durga ou autres guirlandes illuminées, posés sur le tableau de bord. Ca zigzague, ça coupe la route, ça s'arrête subitement, ça tourne mais le clignotant reste sans vie, ça passe de droite à gauche, un piéton se jette maintenant sur la route... De la pure folie, c'est étourdissant. Je comprends mieux les soubresauts et autres coups de volants qui font balloter notre convoi, outre la route déjà bien défoncée... J'en viens à admirer le chauffeur qui parvient à faire son boulot dans ces conditions, bien qu'il n'ait pas du tout l'air stressé. C'est une des seules fois où j'ai eu peur sur la route en me reconnaissant inconsciente des réels dangers. Et enfin l'arrêt pipi tant attendu. Je détèste ce besoin lorsqu'il est si urgent, entêtant, aliènant qui peut m'étreindre et parfois durer des heures dans ces bus qui ne semblent jamais vouloir s'arrêter. Ces minutes de galères où tout est bon pour se divertir l'esprit, contracter sa vessie et oublier, juste oublier que là, il faudrait vraiment y aller. Pour ce faire, je chantonne, d'une voix crispée. Je croise les jambes bien serrées. J'avale ma salive. Je me force à observer le paysage, écouter attentivement un morceau de musique mais quoi que je fasse l'envie revient. Ce que je détèste le plus donc, c'est d'avoir l'esprit, le corps omnubilés par cette bête envie d'uriner et qui disparaît dès qu'enfin le bus s'arrête et me voit m'élancer, telle une poule sans tête, à la recherche d'un vague abri pour enfin lâcher la pression. Une attente éternelle alors qu'il n'aura fallu que quelques secondes pour se sentir infiniment mieux...

Les heures viennent à passer sans que je ne le remarque. Notre convoi gravit lentement les pentes, la route serpente, l'air est clair, le ciel noir. Je suis entre le sommeil, Sigur Rós et des bouts de route, d'obscurité qui défilent devant mes yeux. J'ai du dormir. Puis il fait jour et frais. On nous réveille pour une pause chai. Bien que fatiguée, ai-je seulement dormi?, je me chausse et en bois, du chai, shot d'énergie, souvent bienfaiteur. Les montagnes se dressent autour de moi. La fumée des chaumières et la rassurante odeur du feu parfument l'air. Les passants sont cachés sous leur couverture, attendant le départ du bus et sautillant sur leur jambes. Il fait froid, quelques vingtaine de degrés en moins qu'à Delhi. Les petits chapeaux, typiques de l'Himachal Pradesh couvrent les chefs. Les femmes portent un foulard noué sur la tête, ainsi que d'épaisses robes, un châle en laine enroulé autour de la taille. Certaines passent, penchées sous le poids des fâgots qu'elles portent sur le dos.

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