Le voyage cette année durera 6 mois et quelques jours. Il commence par des Ô revoirs sur le quai de gare à Lausanne. J'y laisse mon homme, comme à chaque hiver qui approche. Je suis dévastée, traversée de doutes m'assaillant. Est-ce que je fais bien de partir, de nous imposer ça, pourquoi donc ai-je ce besoin de m'envoler, de rejoindre ces contrées, de m'y laisser vivre, en laissant, à chaque fois, tout ici... J'ai peur mais monte tout de même dans le train lorsqu'il est temps. Je m'assois, presque comme un automate. Mes yeux larment encore et je sens le regard de mes voisines interpellé. J'ai mal et pourtant ce départ semble inexorable. Je me laisse bercer par le roulement du train, je suis un tas pêle-mêle de confusion.
Je retrouve la soeur d'une bonne amie dans le même TGV. Nous passons tout le trajet à discuter, ce qui me distrait de ma tristesse et doutes intérieurs. Nous arrivons à Paris en un rien de temps. J'y passerais la journée, hebergée chez une amie dans un quartier ma foi, fort sympathique, au pied du Sacré-Coeur.
Je m'envole enfin le lendemain pour le sous-continent. N'y suis toutefois pas de suite arrivée:
Le trajet en avion, avec son interminable pause dans les Emirats Arabes Unis (parmi les vols les moins chers... what to do hey?!), me fait errer, l'oeil rougi par la fatigue, l'air conditionné et les émotions récentes, dans un aéroport qui a, je dois le dire, peu de distractions à offrir. Une fois l'inévitable repérage à l'unique Duty free shop du coin accompli, je prends mon mal en patience et finis par embarquer pour le dernier bout avant d'atteindre l'Inde.
Delhi
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La poussière volète, les chiens couratent le long des murs et les sans-abri s'étirent en baillant sur les trottoirs। L'odeur est là, fidèle, dès les 1ers instants, une fois mis le pied hors de l'avion, reconnaissable entre toutes। Elle rassure en fin de compte। Ce mélange ambré de moiteur, de pollution, d'encens, d'huile frite, de sueur, de pisse। Si ça le pouvait, ça serait chaud। C'est entourant, caressant et assaillant, tout à la fois, comme bien des choses ici।Je suis assise dans ce taxi, un sourire m'habite, j'aime être là et je ne me demande pas pourquoi.
Delhi, la tumultueuse. Ses carrefours remplis de voitures en tout genres, mes préférées restant les vieilles ambassadors, camions bariolés, bus bondés, rickshaws zigzaguant, motos déboulantes, ça klaxonne, les moteurs rugissent, la pollution m'étouffe, des scènes de vie défilent, j'ai l'impression que ça ne s'arrête jamais. Ca peut paraître épuisant (ça l'est) et pourtant je me sens complètement réveillée, prête à tout prendre, le moindre détail de la rue, m'apparaissant le temps d'un instant.
Mon rickshaw fait crisser ses pneus et je pare à toute cette agitation en mettant mon MP3 sur les oreilles, délice du voyageur (finies les heures d'hésitations entre les d'abord : 1। k7 2. cds 3. mini-discs qui finissent tous par : 1. avoir un son gondolant 2. se rayer 3. sauter, en pesant lourds surtout!!!) : Toute la musique que j'aime dans un boîtier, plus petit qu'un paquet de cigarettes. Fantastique et si j'en parle, c'est parce que la musique a toujours une place importante dans mes voyages.
Je quitte Delhi après 3 jours pour rejoindre Shimla, une étape, vers ma réelle première destination, la Sangla Valley. Je me hâte car la région se trouve aux alentours des 3500m et, bien que j'aie fait quelques emplettes pour me couvrir, cela ne sera pas suffisant pour les semaines suivantes, alors que l'hiver sera là. Je circule en bus local. La musique braille des hauts-parleurs : ce sont des rythmes endiablés, des voix suraigues de femmes qui semblent mourir d'amour et celle d'hommes, qui se lamentent de l'avoir perdu. Le paysage défile joyeusement sous mes yeux. Les collines d'abord vertes s'assèchent peu à peu, alors que le bus serpente sur des routes qui deviennent de plus en plus étroites. Nous finissons par nous enfoncer dans une vallée que de hautes falaises bordent. Au milieu, coule une rivière qui semble se déchaîner. On croise des villages qui s'organisent autour de la route, comme souvent ici. Les habitants portent le fameux petit chapeau de l'Himachal Pradesh, fait de feutrine grise avec un revers de velours vert. Chaque vallée revêt le sien et permet ainsi de se distinguer.
Le dernier bout de route, nous voit entrer dans la Sangla Valley en fin de journée. Je vais presque au bout de la route, au village qui porte le même nom. Une longue et étroite route gravira le flanc de la montagne avec des vues plongeantes sur le précipice, ma fois, bien profond. Le conducteur du bus a l'air amusé par mon regard, quelque peu apeuré en voyant les virages, semblant nous jeter dans le vide, qu'il doit négocier. C'est impressionnant.
J'arrive au village alors qu'il fait nuit et ... froid, je confirme!!!
Au lendemain, je découvre les lieux et c'est un fort joli coin que voilà. Sangla se trouve au centre de la vallée et d'imposantes montagnes l'entourent. En observant mieux, je parviens à repérer d'autres hameaux, éparpillés dans d'improbables endroits. Les sommets sont recouverts de neige, d'une blancheur étincelante sous ce ciel dont le bleu s'intensifie au gré de l'altitude.
Il y a une route qui mène et s'arrête à Chitkul, où je me rendrais quelques jours plus jours tard, à une vingtaine de kms en amont. Mais il y a surtout les sentiers faits de pierre, en contre-bas du village et de la dite-route, qui me font découvrir de manière bucolique les environs. Les maisons sont faites de bois, aux toits originaux, en fer et un peu bombés. Une campagne superbe les entoure, aux champs variés, malgré l'altitude. Les couleurs sont ici aussi automnales, superbes de leur éclatants rouges, bruns, jaunes et autres verts. Les boeufs paissent tranquillement dans les prés, les enfants jouent avec leur cerf-volants et la rumeur de la rivière ne parvient pas à masquer le cri des aigles.
Sangla - संगला
En attendant le départ pour Chitkul - चित्कुल